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SOCIOLOGIE HISTORIQUE

L'autonomisation d'un sous-champ disciplinaire

Alors que le retour sur ces quelques grands noms de la sociologie a permis de souligner la pluralité des méthodes et des rapports à l'histoire de la sociologie historique, il faut maintenant en montrer l'actualité dans les sciences sociales d'aujourd'hui. Les sociologues et les politistes qui font de l'analyse des phénomènes historiques le centre de leurs recherches peuvent être distingués selon qu'ils pratiquent une sociologie historique macroscopique, dans une démarche comparatiste, ou qu'ils privilégient, dans une perspective plus microscopique et à partir d'un travail d'archives, l'analyse de la genèse des catégories, des institutions et des pratiques contemporaines. Tous, en revanche, tiennent le pari de pratiquer leur travail de sociologue sur des matériaux du passé.

Dans le monde anglo-saxon, la sociologie historique est devenue une sous-discipline à part entière, avec ses manuels, ses associations professionnelles, ses revues (le Journal of historical sociology paraît depuis 1988) et ses auteurs dominants. Une partie de ceux-ci, très inspirés de la sociologie wébérienne, défendent une macrosociologie qui s'efforce de produire des comparaisons pour mettre à l'épreuve des concepts : le phénomène révolutionnaire puis l'État-providence pour Theda Skocpol, les mobilisations sociales pour Charles Tilly, ou encore la nation et la citoyenneté pour Reinhard Bendix. Plusieurs de ces auteurs ainsi que leurs héritiers se retrouvent aujourd'hui dans une « école » néo-institutionnaliste qui s'intéresse moins à l'histoire qu'elle ne tente de débusquer les path dependencies, qualifiant par là les contraintes que le passé impose au présent à travers la manière dont il structure les institutions. Ces travaux ont largement été repris par des politistes français comme Pierre Birnbaum et Bertrand Badie qui, dans Sociologie de l'État (1979), proposent une réflexion sur le processus historique de construction de l'État occidental. Dans la même perspective macrosociologique et comparatiste, on trouve dans le monde anglo-saxon d'autres travaux de sociologie historique, qui se réclament pour leur part d'une tradition marxiste d'analyse des révolutions industrielles, des transitions vers le capitalisme, ou encore du marché économique. Pour ces auteurs, notamment pour Barrington Moore ou Immanuel Wallerstein, plus encore que pour les partisans du néo-institutionnalisme historique, l'histoire elle-même apparaît finalement moins importante que les concepts et l'évolution globale de la société mis en lumière à travers le travail sur le passé.

En réaction à ce moindre intérêt pour les matériaux historiques et pour les spécificités des différents contextes s'est développée une nouvelle forme de sociologie historique, située plutôt du côté de la science politique, et en particulier de ce qu'il est convenu d'appeler la sociologie politique « critique ». Alliés à certains historiens qui, à l'instar de Gérard Noiriel, tentent de décloisonner les disciplines autour de la socio-histoire et de développer une sous-discipline qui soit à la fois partie prenante de l'histoire, de la sociologie et de la science politique, ces chercheurs privilégient les objets proprement politiques, et plus particulièrement ce qu'Yves Déloye appelle la « civilisation électorale », à travers l'analyse du processus de « politisation » des sociétés occidentales et de l'invention de la compétition électorale au xixe siècle. Prenant concrètement acte de l'identité épistémologique entre histoire et sociologie, ces chercheurs ont la double particularité de ne pas faire de l'histoire de « seconde main », mais de se plonger dans les documents d'archives,[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en sociologie à l'université de Poitiers, chercheur au C.U.R.A.P.P., C.N.R.S., université d'Amiens

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