SOCIOLOGIE WEBERIENNE
Une sociologie de la domination
La sociologie de Max Weber est une sociologie de la domination. Les sociétés y sont moins pensées dans leur cohésion interne que comme le champ de luttes entre des instances sociales de différentes natures, politiques, économiques, religieuses, culturelles, etc., et, au sein de chacune de ces instances, entre des agents dominants et des agents dominés. Tous les travaux sociologiques de Max Weber portent sur la dynamique de ces rapports de force et postulent ainsi, au fondement de l'existence des sociétés, des phénomènes de violence de tous ordres, depuis la violence physique jusqu'à la violence symbolique, qui n'est jamais qu'une euphémisation de la première. Les relations sociales, dans cette perspective, peuvent tout au plus être « (formellement) pacifiques », pour reprendre une formule souvent utilisée par Weber et qui trouve tout son sens dans le recours à cette parenthèse. Les agents sociaux cherchent avant tout, dans cette sociologie, à se distinguer les uns des autres et à l'emporter sur les autres en richesse, en prestige et en pouvoir.
Ce postulat de base ne fut jamais remis en doute par Weber ; en revanche, il s'attacha à développer une analyse infiniment nuancée de l'articulation entre les différentes modalités de la puissance sociale : il se refusait à reconnaître a priori un primat de la domination économique. L'une des thèses majeures de l'Éthique protestante est justement que le primat des facteurs économiques, dont Weber admet avec Marx qu'il constitue la caractéristique spécifique du système capitaliste, fut lui-même le produit historique d'un travail d'imposition culturelle de grande ampleur, dont le ressort fut la réalisation d'une conjonction entre les objectifs de profit matériel et les exigences de la « morale » (par l'ajournement de la jouissance des biens au profit de leur réinvestissement ascétique). Les positions sociales se définissent toujours simultanément, écrit Weber dans Hindouisme et bouddhisme (1916), comme des positions de « classe » (« Les classes sont des groupes de gens dont la situation économique est identique, du point de vue de certains intérêts ») et comme des positions de « Stand » (« Le Stand est une qualité d'honneur ou de privation d'honneur social et, pour l'essentiel, il est à la fois conditionné et exprimé par un certain type de conduite de vie »). « L'honneur social, ajoute-t-il, peut être directement attaché à une situation de classe et il est le plus souvent tributaire du statut moyen de classe des membres du Stand. Mais [...] l'appartenance à un Stand, d'un autre côté, influence par elle-même la situation de classe. »
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Écrit par
- Isabelle KALINOWSKI : directeur de recherche au C.N.R.S.
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