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SŒUR EMMANUELLE (1908-2008)

C'est le 16 novembre 1908 que naît, à Bruxelles, Madeleine Cinquin qui deviendra, sous le nom de sœur Emmanuelle, la religieuse la plus populaire auprès des Français, véritable icône de la solidarité. Son père, qui dirige une entreprise de lingerie fine, est belge, sa mère française. Madeleine est la deuxième de leurs trois enfants. La famille, aisée, appartient à la bourgeoisie textile et mène une existence tranquille. Survient, en septembre 1914, le drame qui marquera à jamais la petite Madeleine : la mort, sous ses yeux, de son père, lors d'une baignade.

Réfugiée dans le nord de la France le temps de la guerre, la famille retrouve la Belgique en 1918. Jolie et coquette déjà, Madeleine va y vivre une jeunesse privilégiée. Elle pratique le tennis et le patinage et prend goût, aussi, à la mode et à la danse. À l'école, on se souvient plus de ses pitreries et de son insolence que de son travail. Pourtant, un trait profond de sa personnalité frappe de plus en plus son entourage. Généreuse, la jeune fille est d'une piété profonde, qu'elle n'affiche pas mais dont elle ne fait pas mystère. Elle se passionne pour l'aventure des missionnaires qui consacrent leur vie aux plus pauvres sur des terres lointaines. À quatorze ans, elle recopie sur ses cahiers les Pensées de Pascal. Il sera, comme elle l'écrit plus tard, son « maître de vie ». Il existe bel et bien, chez la jeune bourgeoise, une aspiration à une vie différente. Madeleine Cinquin entre dans la congrégation enseignante Notre-Dame de Sion à Paris, et devient, le 10 mai 1931, sœur Emmanuelle. Une nouvelle vie commence.

De 1932 à 1970, la jeune religieuse, qui n'a rien abdiqué de sa forte personnalité, va enseigner successivement en Turquie, où elle restera vingt-huit ans, puis en Tunisie et en Égypte. Tout en sachant que les sœurs de Notre-Dame de Sion ont vocation à éduquer les jeunes filles de la bonne société, elle demande à être affectée au service des enfants en détresse. Elle reçoit effectivement sa première mission auprès de l'école pauvre d'Istanbul. À l'université de cette ville, elle étudie l'islam et le bouddhisme et apprend l'arabe. Sur sa lancée, elle obtient, en 1948, une licence de lettres classiques en Sorbonne. La brillante et pétillante sœur Emmanuelle devra se résoudre à enseigner, elle aussi, aux filles de bonne famille. Des trois vœux religieux, elle reconnaît que l'obéissance lui est le plus difficile à vivre. Elle ne cache pas non plus qu'à la trentaine un professeur lui a fait battre le cœur.

Sœur Emmanuelle - crédits : Jean-Michel Turpin/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Sœur Emmanuelle

En 1971, l'enseignante arrive à l'âge de la retraite et trouve son véritable destin. C'est au Caire, où elle a enseigné huit ans et où elle a éprouvé un véritable malaise face aux inégalités entre riches et pauvres, qu'elle décide de vivre. Non pas pour mais avec les chiffonniers. Chrétiens coptes pour la plupart, ces zabbaline (« parias ») vivent des rebuts des autres. Chaque matin, après avoir vidé les poubelles dans leurs charrettes, ils trient les détritus et récupèrent ce qui sera leur nourriture et celle de leurs enfants. Sœur Emmanuelle, devenue Ableti (« la grande sœur »), se lève, elle aussi, à cinq heures, attrape un train pour aller à la messe puis patauge avec eux dans les immondices. Avec une énergie farouche et son sens du concret, elle se bat pour « ses » chiffonniers. Elle lutte pied à pied pour trouver les médicaments contre l'épidémie de tétanos qui tue, à l'époque, quatre bébés sur dix. Mais il lui faut de l'argent pour développer ses projets. En 1977, elle publie son premier livre, Chiffonnière avec les chiffonniers. En 1980, elle crée l'Asmac-Association Sœur Emmanuelle pour l'aide sociale et médicale à l'enfance. En 1984, elle entreprend une tournée de conférences en Europe et aux États-Unis : elle a besoin[...]

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Écrit par

  • : journaliste-écrivain, président du Centre national de la presse catholique

Classification

Média

Sœur Emmanuelle - crédits : Jean-Michel Turpin/ Gamma-Rapho/ Getty Images

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