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SOI ET NON-SOI, immunologie

À la suite des vaccinations initiées par Edward Jenner et Louis Pasteur, deux notions avaient frappé les esprits au début du xxe siècle. La première est la notion de spécificité prophylactique : le vaccin contre la variole protège de la variole, le vaccin contre la rage protège de la rage, etc. La seconde est celle de l'apprentissage ou de la mémoire : pour reconnaître les microbes et les détruire, le système immunitaire doit avoir appris et mémorisé ce qu'ils sont. L'interprétation de ces phénomènes s'inspirait d'analogies militaires : l'ennemi a nécessairement un uniforme spécifique qu'il faut apprendre à reconnaître avant de le combattre. De la même façon, l'agent infectieux a nécessairement une structure spécifique qui permet de reconnaître son caractère étranger et de l'attaquer. Une telle capacité de reconnaissance fut attribuée à la capacité de fixation spécifique des molécules défensives : les anticorps. Ainsi, un anticorps antitétanique se fixe sur – autrement dit « reconnaît » – la toxine tétanique. Cet anticorps ne se fixera pas, ou plus exactement se fixera beaucoup moins bien, sur la toxine diphtérique. Reste à résoudre la question de l'apprentissage, c'est-à-dire de la fabrication des anticorps par l'organisme.

Naissance des anticorps

Selon la théorie de la sélection naturelle de la formation des anticorps, proposée par Niels Jerne en 1955, les anticorps préexistaient à l'inoculation de la substance étrangère, appelée antigène. Mais, en l'absence d'antigène, ils étaient présents en faible quantité. L'antigène induirait non pas la formation des anticorps, mais seulement l'augmentation de la quantité des anticorps les plus efficaces. À l'époque, ce modèle fut vivement critiqué. En effet, il supposait l'existence préalable dans l'organisme de tous les anticorps possibles. En 1957, Frank MacFarlane Burnet et David Talmage proposèrent une modification de la théorie de Jerne, qui comprend deux étapes. La première étape (génération de diversité) consiste en un mélange aléatoire des gènes qui permettent la synthèse des anticorps. De cette façon, le génome n'a pas à contenir l'ensemble des anticorps. Il contient un nombre limité d'éléments de base qui, en s'associant au hasard selon toutes les combinaisons possibles, génèrent un nombre très élevé d'anticorps. La seconde étape (sélection) consiste en une multiplication préférentielle de certaines cellules, celles qui portent les anticorps, qui se fixent avec l'affinité la plus élevée à l'antigène considéré. Cette multiplication augmente la quantité d'anticorps spécifiques produits, ce qui explique leur efficacité et notre capacité à les détecter. Initialement établi pour les anticorps et les lymphocytes B, ce modèle a pu être étendu aux autres lymphocytes (cellules T) selon le même principe. Mais il engendre une question difficile : comment le système immunitaire est-il capable de distinguer les substances appartenant à l'organisme (définissant le « soi ») afin de les épargner des substances provenant de l'extérieur (greffes, micro-organismes, etc., définissant le « non-soi ») afin de les attaquer ? En effet, si les anticorps sont générés au hasard, certains d'entre eux doivent se fixer sur les composants de l'organisme et déclencher ce qu'on appelle une maladie auto-immune.

Pour résoudre ce point, il a été fait appel une seconde fois à la notion d'apprentissage : c'est la rencontre d'une substance au cours de la vie embryonnaire qui permet l'apprentissage du soi. Pendant la vie embryonnaire, on suppose que les infections sont absentes et que toutes les substances rencontrées appartiennent au soi. En conséquence, selon cette conception, le non-soi est tout ce[...]

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