SOI ET NON-SOI, immunologie
Dynamique de l'immunité
En réalité, les cellules du système immunitaire n'épargnent pas du tout notre soi. Elles consomment toutes les ressources disponibles. Les micro-organismes sont une telle ressource, mais les constituants tissulaires accessibles en sont une autre. Les cellules du système immunitaire capturent les fragments de protéines, de cellules mortes, les bactéries, les virus, tout ce qui est à leur portée. Comment expliquer alors que, dans la situation « normale », notre organisme ne semble pas s'autodétruire ? La réponse est que les globules blancs consomment nos propres cellules et tissus à la vitesse où ils se reproduisent. Cela explique la stabilité apparente de l'ensemble, l'impression que nous avons qu'il ne se passe rien. Finalement, les conséquences immunologiques dépendent de la dynamique des consommations et des productions et non des caractéristiques structurales des constituants. Ainsi le soi se définit-il comme ce qui est détruit et produit à la même vitesse. Cette règle est valable pour n'importe quel élément présent, même pour un agent infectieux. S'il est détruit plus vite qu'il ne se reproduit, il sera éliminé. Tout va bien dans ce cas. Le microbe étranger est chassé et le corps est respecté. Le soi et le non-soi sont à la place définie par la théorie, mais surtout par nos vœux les plus chers ! Malheureusement, il peut arriver que la destruction d'un agent infectieux compense mal sa prolifération. C'est le cas, par exemple, pour le sida ou les hépatites virales chroniques : le micro-organisme persiste à long terme dans l'organisme. Le « corps étranger » s'installe dans le « corps ». La théorie est aussi malade que l'organisme.
Les notions de soi et de non-soi, si on les définit de manière fixiste, en fonction de leur seule structure, ne correspondent pas à la réalité. Une définition dynamique, qui repose non pas sur les structures en elles-mêmes mais sur la vitesse à laquelle elles sont produites et détruites, redéfinit notre identité non comme celle d'un objet figé, mais plutôt comme La Barque de Delphes (Antoine Danchin, 1998) : ses planches sont sans cesse renouvelées, elle reste néanmoins une barque.
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Écrit par
- Pierre SONIGO : directeur de recherche à l'I.N.S.E.R.M.
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