SOI (psychologie)
« L'endroit où le soi, le non-moi psychologique, est endormi est l'endroit le plus banal du monde — une gare, un théâtre, la famille, la situation professionnelle. » La psychologie des profondeurs telle que l'a théorisée Carl Gustav Jung repose sur une distinction entre deux instances psychiques : le moi, « la personnalité empirique et consciente », et le soi, « [...] concept limite, exprimant une réalité sans limite ». Quelle est cette réalité ?
Jung n'est pas, loin de là, le seul psychologue à employer le terme « soi ». Nombreuses sont les écoles psychologiques, principalement dans les pays anglo-saxons, qui en font tout autant usage. Abraham Maslow pose la « réalisation de soi » comme la clef de voûte de toute vie psychique. Des psychologues existentiels, tels Rollo May ou Ronald Laing, prennent ce terme pour définir une situation de conscience qui a rapport à l'authenticité d'un vécu. William C. Schutz l'identifie à un sentiment d'allégresse et de joie. Souvent, « soi » est employé comme synonyme de personnalité créatrice (E. Fromm), créativité vitale et fonction ludique (D. W. Winnicott), compréhension intuitive (F. E. Vaughan), fonction synthétique (L. Assaglioli), dynamique transpersonnelle (S. Grof), imagination créatrice (J. S. Bolen), conscience paradoxale (P. Watzlawick), connaissance de la réalité de troisième ordre (A. Koestler), etc. En fait, toutes ces approches recoupent plus ou moins les analyses de Jung, et nombre d'entre elles ont été influencées par ses recherches. Toutefois, jusqu'à aujourd'hui encore, la métapsychologie jungienne reste inégalée dans l'effort d'approfondissement d'une réalité psychique objective « au-delà du moi », que les termes self, selbst, soi ou auto tentent de désigner.
Derrière toutes les approches qui viennent d'être évoquées se tient l'idée que le moi (ou l'ego) n'est pas la réalité psychologique la plus haute et la plus personnelle que le sujet peut expérimenter. Au-delà du moi, en rupture avec la conscience habituelle de veille, résiderait une dimension de soi-même, qui, bien qu'endormie dans la vie quotidienne, influencerait instant par instant le moi, sans que celui-ci en ait la moindre conscience. Cette réalité se manifesterait de bien des manières : hasard heureux, accident, rencontre, inspiration créatrice, intuition prémonitoire, rêve salutaire et, à travers les situations les plus variées : aventure amoureuse, détresse, conflit de devoirs, entretien psychanalytique, état de fatigue intense, etc. Nombre des approches psychologiques évoquées plus haut se proposent comme but de rééquilibrer le moi, pour le mettre en état de dialoguer fructueusement avec cette réalité intuitive et créatrice qui donne à la vie psychique une dimension de sérénité, née d'un sentiment d'intégration de soi et d'unité, qu'éprouve le sujet réconcilié avec lui-même.
C. G. Jung est allé bien au-delà du but thérapeutique et a donné au concept de soi une dimension métaphysique qui déborde les approches psychologiques. Dans son œuvre, la notion apparaît en tant que concept dans Types psychologiques (1921) : « Il y a [...] lieu de distinguer entre le moi et le soi, le moi n'étant que le sujet de ma conscience, alors que le soi est le sujet de la totalité de la psyché, y compris l'inconscient. » Moi et soi s'opposent comme local et global, partie et tout, multiplicité et unité. Jung part d'une constatation toute empirique : la connaissance de la chose est éclatée en quatre fonctions psychologiques (sensation : « qui constate que quelque chose est » ; pensée : « qui établit ce que cette chose est » ; intuition : « qui indique d'où provient cette chose et où elle va » ; sentiment : qui informe comment cette chose nous affecte). D'où la conséquence[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Alain DELAUNAY : chercheur au Collège international de philosophie
Classification
Média