SOIF
Le système périphérique directeur du comportement dipsique
Lorsque la soif est éveillée, les stimuli externes représentés par l'eau deviennent capables de déclencher et de soutenir le comportement de prise orale de liquide. Grâce aux récepteurs gustatifs linguaux, l'eau peut être distinguée des solutions salines de NaCl (jusqu'à une dilution de ces solutions à 0,002 M chez le rat). Cette différenciation gustative de l'eau et des solutions salines est à l'origine de réponses de préférence qui varient selon que la soif est engendrée par le stimulus osmotique ou le stimulus hypovolémique. Dans le premier cas, l'eau pure, à la pression osmotique nulle, est préférée aux solutions salines hypertoniques. Dans le second cas, la préférence pour les solutions salines est au contraire augmentée ; l'ingestion de NaCl est en effet nécessaire à la réparation de la baisse du volume extracellulaire qui, sans apport de sel, s'accompagnerait d'une baisse de la pression osmotique sanguine. Lorsque la déshydratation est accompagnée d'une perte de NaCl, comme c'est le cas à la chaleur, la soif n'est restauratrice que par l'apport simultané d'eau et d'électrolytes.
L'existence d'un mécanisme orosensoriel responsable de la satiété hydrique est controversée. Rien ne permet de démontrer qu'il y a un stimulus interne actif d'inhibition. Les hyperhydratations intracellulaire et extracellulaire ne sont pas des stimuli humoraux de satiété. Dans ces conditions, on doit concevoir qu'après ingestion des liquides aptes à corriger le déséquilibre la prise d'eau est arrêtée soit par la levée du déficit initiateur après absorption intestinale de l'eau, soit de façon anticipée par le jeu d'un contrôle volumétrique oral et gastrique. Ce dernier mécanisme est bien démontré chez le chien, buveur rapide. Quelle que soit l'importance du déficit, le chien boit en quelques minutes un volume d'eau strictement égal à sa perte de poids ; compte tenu du délai de transit gastro-intestinal, ce temps exclut une absorption substantielle du liquide bu. Ce mécanisme de satiété orogastrique, ajusté au besoin de la régulation et fonctionnant comme un compteur d'eau périphérique, a été minutieusement étudié, notamment par E. F. Adolph et R. T. Bellows (1939). Le chien porteur d'une fistule œsophagienne, interdisant l'entrée de l'eau déglutie dans l'estomac, ingurgite, en une quinzaine de minutes, deux fois et demie la quantité d'eau correspondant à son déficit par privation, puis cesse de boire. Si un volume d'eau égal à son déficit est introduit dans l'estomac par une fistule gastrique, ce même chien « pseudoconsommera » par la bouche une quantité d'eau réduite à la valeur de son déficit, c'est-à-dire à un volume égal à celui qu'il a reçu dans l'estomac. En revanche, lorsque l'eau est offerte quinze minutes après la charge gastrique, il refuse de boire par la bouche. De nombreuses variantes d'expériences de ce type ont confirmé que le passage de l'eau dans la bouche, son volume ou son poids dans l'estomac, par l'intervention des afférences gustatives et mécaniques, établissent la satiété et constituent, chez le chien au moins, un mécanisme de contrôle volumétrique périphérique. Chez le rat, buveur plus lent, comme chez d'autres espèces dont l'homme, ce type de mécanisme est vraisemblablement associé à l'action directe de l'eau au niveau intestinal ou systémique, supprimant par correction du déséquilibre métabolique le stimulus initiateur de soif.
Mais, chez l'homme comme chez l'animal, d'autres données expérimentales plaident en faveur du rôle important que joue le contrôle sensoriel périphérique dans la direction du comportement de[...]
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Écrit par
- Jacques LE MAGNEN : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur de laboratoire à l'École pratique des hautes études
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