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SOIGNER LA VIRILITÉ. UNE HISTOIRE DE LA SANTÉ MASCULINE (C. Bajeux)

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L’essai de Camille Bajeux (docteure en Études genre à l’université de Genève) Soigner la virilité. Une histoire de la santé masculine (Bibliothèque d’histoire de la santé et de la médecine, Lausanne, 2024) rend compte d’une anomalie de la médecine : pourquoi, alors que le mot gynécologie existe depuis le début du xixe siècle et se définit en 1823 comme « la science qui traite de la morphologie, de la physiologie, de la pathologie et de la psychologie de la femme », l’andrologie, qui devrait être son symétrique face aux maux dont souffrent les hommes, n’apparaît-elle qu’un siècle plus tard et se trace difficilement un chemin ? C’est que la médicalisation de la virilité s’est organisée tout à fait différemment de la gynécologie, autour de problèmes précis considérés comme masculins, chacun étant enclavé dans une des nombreuses spécialités médicales distinctes.

Une science de la masculinité ?

Camille Bajeux s’intéresse précisément, dans cet ouvrage savant tout en restant très lisible, à l’émiettement des spécialités médicales qui prennent en charge les maladies du masculin et qui auraient pu déboucher sur une andrologie, puis aux raisons pour lesquelles cette intégration n’a pas eu lieu, du moins dans la période concernée, qui court des années 1870 à 1970. L’auteure s’appuie sur des sources primaires abondantes, médicales et judiciaires, bien évidemment, mais aussi sur des sources privées, en particulier des récits autobiographiques, ce qui est beaucoup moins courant. Par ailleurs, les publicités destinées au public masculin, autres sources inhabituelles, alimentent un important chapitre de l’ouvrage.

Le livre examine en effet quatre approches de la santé masculine. La première situe cette dernière dans le contexte de la progressive définition des spécialités médicales, liée à la place croissante des sciences de la médecine. Au début de cette spécialisation médico-chirurgicale, les maladies de l’homme relèvent du domaine génito-urinaire, donc de l’urologie ; elles sont restreintes aux calculs des voies urinaires, au rétrécissement de l’urètre. Au tournant du xxe siècle, les urologues s’intéressent aux conséquences des maladies vénériennes sur les organes dont ils sont spécialistes ; cependant, les maladies vénériennes se verront associées de manière dominante à une autre spécialité : soit la vénérologie, soit plutôt la dermato-vénérologie. Les troubles sexuels masculins, et en particulier l’impuissance, passent insensiblement dans le champ de la psyché, tandis que la stérilité masculine, dont la place est minimisée, préoccupe les natalistes mais pas les urologues, et se retrouve en gynécologie avant de passer dans la médecine du couple. La santé masculine est ainsi prise en charge dans une pluralité d’espaces. Mais précisément – et cela constitue la deuxième partie de l’ouvrage –, l’absence d’une spécialité unique favorise la diffusion des messages publicitaires qui vont proposer une pléthore de traitements des affections masculines, où dominent les maladies vénériennes et l’impuissance.

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Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

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