SOKOLS
Société de gymnastique tchèque fondée en 1862 par M. Tyrš, professeur de philosophie, et par son beau-frère, le riche banquier et assureur J. Fügner, les Sokols (faucons) s'inspirent du Turnverein allemand alliant l'éducation physique et la formation patriotique de la jeunesse en une organisation nationaliste qui se veut paramilitaire. Cette société se développe surtout dans la Bohême du Nord et dans la Moravie industrielle, en milieu urbain et parmi la classe moyenne.
Liés aux Jeunes Tchèques, puis aux divers partis nationaux, les Sokols proposent des volontaires à l'Autriche contre la Prusse en 1866. Cependant, pendant les deux décennies qui suivirent le compromis austro-hongrois, ils sont persécutés par le pouvoir qui les empêche de se donner une organisation centrale, qui ferme leurs gymnases, interdit leur journal Sokol et surtout favorise contre eux les associations de vétérans et de pompiers. En 1891 a lieu leur deuxième fête fédérale (slet), laquelle devait par la suite se tenir tous les cinq ans à Prague, et constituer une manifestation patriotique toujours plus imposante. En 1912, rassemblant hommes, femmes et enfants dès l'âge de six ans, ils passent le cap des cent mille membres.
Défilant sous le même uniforme, exaltant la virilité physique et morale et croyant à l'action de groupe, les Sokols propagent une idéologie visant à aguerrir la nation unie où se fondent les « frères » sans distinction de classe. Ils se heurtent au cléricalisme, au syndicalisme et au socialisme. Leur fraternité égalitaire s'exprime sur le plan international par une ligne néo-slaviste dont témoigne la fondation de Sokols chez les peuples yougoslaves (200 000 membres), en Pologne, en Bulgarie et en Russie, couronnée par la création d'une Fédération des Sokols slaves (1908) qui se retrouvent à Prague à chaque slet. Très logiquement, leur autre partenaire privilégié sera la France.
Le 24 novembre 1915, les Sokols sont dissous par Vienne alors qu'autour d'eux et des filiales créées par l'émigration tchèque, en Russie, en France et en Italie, se constituent les premières légions nazdar, du nom du salut sokol. D'octobre 1918 à novembre 1919, les Sokols forment en Tchécoslovaquie quatre régiments des « gardes de la liberté » ; ils contribuent à secouer le joug germanique en désarmant les unités autrichiennes tout en assurant l'ordre et ils envoient, par méfiance de toute emprise hongroise, quatre bataillons de volontaires contre la république slovaque des Conseils, dirigée à Budapest par Béla Kun. Organiquement liés au parti de Beneš, ils se font les adversaires de l'autonomie slovaque et du communisme, obtenant un statut officiel dans les municipalités et dans les écoles (éducation physique obligatoire). Leurs effectifs doublent entre 1913 et 1920 puis à nouveau entre 1920 et 1922 (plus de 650 000 membres).
Le système de représentation patriarcale et parlementaire des Sokols constitue un microcosme de la première République tchécoslovaque. Cependant, leur incompréhension du problème social et du problème des minorités ethniques les classe au centre droit de la coalition au pouvoir. Leur programme est réalisé. Aussi connaissent-ils une certaine stagnation de leurs effectifs, tandis que leurs cadres s'enlisent dans le vétéranisme, face à une gauche dynamique et au cléricalisme qui disposent chacun d'une organisation gymnique propre.
Leur rôle, pendant la Seconde Guerre mondiale, n'est plus que mineur : les clivages politiques traversent désormais les Sokols pénétrés puis neutralisés en février 1948 par les communistes. Fidèle à Beneš et aux Yougoslaves, comme le montre le slet de juillet 1948, mais trahi par l'impuissance de ses élites et le passéisme de ses membres, le mouvement sokol est dissous cette même année dans un système gymnique et sportif unifié[...]
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Écrit par
- Vladimir Claude FISERA : docteur de troisième cycle, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, diplômé de l'École nationale des langues orientales, chargé de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École pratique des hautes études
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