SOLEIL
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L’anatomie du Soleil
Le Soleil est structuré en deux régions concentriques bien différentes : l'intérieur du Soleil (appelé « atmosphère interne » puisque le Soleil est composé de gaz), qui est caractérisé par des températures et des densités élevées ; l'atmosphère externe (souvent appelée simplement atmosphère), qui est beaucoup plus ténue et qui s'étend jusqu'aux confins de l'héliosphère (zone d’influence du Soleil, s’étendant jusqu’à 200 années-lumière du Soleil).
L'atmosphère interne
L'intérieur du Soleil comprend trois zones présentant chacune des propriétés bien distinctes : le cœur du Soleil (ou noyau), qui s’étend sur un rayon d’environ 175 000 kilomètres ; la zone radiative ; la zone convective.
Au cœur du Soleil, la masse volumique atteint 151 000 kg/m3, la température 15 millions de K et la pression s’y élève à 2,33 × 1014 hectopascals (hPa), soit 233 milliards de fois la pression atmosphérique terrestre. S’étendant sur un quart du rayon du Soleil, ce cœur, représentant 60 % de la masse du Soleil, est le siège, comme dans toutes les autres étoiles, de réactions nucléaires de fusion – réactions dites thermonucléaires (celles intervenant dans la bombe H) – au cours desquelles quatre noyaux d’hydrogène sont transformés en un noyau d'hélium 4 avec libération importante(6,3 × 1014 joules par kg d’hydrogène) d’énergie lumineuse sous forme de rayons gamma (photons), de positrons (électrons de charge positive) et de neutrinos. La chaîne de réactions est en réalité plus complexe et ne se limite d'ailleurs pas à l'hydrogène. Pour simplifier : deux paires de protons (1H) fusionnent pour former deux noyaux de deutérium (2H ou D) comportant chacun un proton et un neutron. Avec l'arrivée d'un nouveau proton, chaque noyau de deutérium se transforme en un noyau de l'isotope 3 de l'hélium (3He) constitué de deux protons et d’un neutron. Enfin, deux de ces noyaux 3He fusionnent pour donner un noyau d'hélium 4 (4He), comptant deux protons et deux neutrons, en libérant deux protons. C'est la différence (Δm) entre la somme des masses des noyaux de départ (quatre protons) et celle du noyau d'arrivée (4He), différence de l'ordre de 0,7 %, qui détermine, en vertu de la relation d'Einstein (E = mc2), l'énergie libérée (ici ΔE = Δmc2).C’est ainsi que 620 millions de tonnes d’hydrogène sont « brûlées » chaque seconde au cœur du Soleil et transformées en 615,7 millions de tonnes d’hélium, la différence étant convertie en énergie rayonnée vers l’extérieur du noyau.
Les photons gamma s’évadent du noyau solaire pour rejoindre une région dite zone radiative où ils sont redirigés en permanence dans toutes les directions de l’espace par les protons et les électrons qu’ils rencontrent mais s’échappent majoritairement vers l’extérieur. Ils se transforment, du fait de ces chocs, en photons de moins en moins énergétiques et ces « parties de ping-pong » multidirectionnelles durent (si l’on suit une chaîne particulière de photons) un temps non négligeable de plus de 100 000 ans. En raison de ce processus de diffusion du rayonnement, qui s’apparente à la « marche de l’ivrogne », la distance radiale parcourue est proportionnelle à la racine carrée du temps écoulé. Cette partie de ping-pong finit toutefois à une distance d’environ 600 000 kilomètres du centre du Soleil : rencontrant là un gaz plus froid et neutre (constitué d’atomes et molécules non chargées), les photons sont définitivement absorbés, y compris par la photo-ionisation. Ce dernier processus utilise l'énergie des photons incidents sur les atomes et molécules pour arracher leurs électrons, ce qui conduit à une disparition de ces photons au profit d'une « réionisation » partielle du gaz.
Le surplus d’énergie ainsi accumulé ne peut alors être évacué que par de gigantesques mouvements de matière qui transportent la chaleur vers la surface du Soleil. Ce processus peut être comparé à des bulles montant dans une casserole d’eau chauffée à sa base ou, à plus grande échelle, aux ascensions de gaz surchauffé dans l’atmosphère terrestre (les fameux « thermiques » qui sont très prisés par les amateurs de vol libre). La zone ainsi située entre 600 000 et 696 000 kilomètres du centre du Soleil est appelée zone convective.Cette convection se manifeste à la surface du Soleil (photosphère) par l’apparition de cellules brillantes (dont la taille est de l’ordre du millier de km) où parvient la matière chaude, cellules séparées par de minces chemins sombres par où la matière refroidie redescend vers la base de la zone convective. Ces cellules (ou granules) forment un réseau dit de granulation.
La structure interne du Soleil, quoique non accessible, est remarquablement bien connue.Elle a été déterminée à partir d'un modèle d'évolution stellaire. Ce dernier s'appuie sur la physique des gaz et des plasmas ainsi que sur des données d'observations concernant la masse et la taille du Soleil, son rayonnement… Il a prouvé sa solidité lors de l'épisode des « neutrinos manquants ». En effet, à partir des réactions nucléaires de fusion et de la température du cœur, les physiciens ont pu prédire le nombre de neutrinos émis par le Soleil. En 1967, l’Américain Raymond Davis Jr. (1914-2006) – futur Prix Nobel de physique 2002 pour ses travaux de détection de cette particule – a installé, dans une mine à 1 500 mètres de profondeur (pour éviter les effets parasites des rayons cosmiques), un dispositif pour collecter et compter les neutrinos émis par le Soleil. À partir des années 1970, Davis et d’autres chercheurs sont partis à la chasse souterraine de ces particules qui parviennent sans encombre à la Terre et la traversent. Mais ils n'en ont systématiquement trouvé qu'un tiers du nombre attendu. Il a fallu attendre les données obtenues par l’observatoire de neutrinos de Sudbury (SNO, pour Sudbury Neutrino Observatory), situé à quelque 2 000 mètres de profondeur en Ontario (Canada), et les résultats des expériences de physique des particules menées en 1998 près d'accélérateurs tels que le Super-Kamiokande (Japon) pour démontrer que le neutrino pouvait se présenter sous trois identités différentes entre lesquelles il oscille et que les méthodes développées alors pour détecter des neutrinos solaires ne pouvaient donc en compter qu'un tiers. Cette découverte des oscillations du neutrino, qui prouve aussi que celui-ci a une masse, a permis au Japonais Takaaki Kajita et au Canadien Arthur B. McDonald d’obtenir le prix Nobel de physique en 2015.
L'héliosismologie pour étudier la structure interne du Soleil
La solidité du modèle solaire a aussi été confortée et affinée grâce à une technique inaugurée dans les années 1970, appelée héliosismologie ou sismologie solaire, qui étudie les vibrations naturelles et permanentes de la surface du Soleil. Ce dernier se comporte en effet comme une cavité résonante soumise aux perturbations causées par les ondes sonores générées par la granulation solaire (résultant des mouvements de matière dans la zone convective). Le comportement oscillatoire de la surface solaire avait été mis en évidence dès les années 1960 par l'Américain Robert B. Leighton (1919-1997), qui avait découvert une variation sinusoïdale des déplacements de raies photosphériques par effet Doppler-Fizeau, dont la période est de cinq minutes. Quelques années plus tard, l'Américain Roger Ulrich, en 1970, puis indépendamment ses compatriotes John Leibacher et Robert Stein, l’année suivante, ont montré que ces oscillations étaient des vibrations acoustiques qui pourraient être « piégées » sous la surface du Soleil. Les Japonais Hiroyasu Ando et Yoji Osaki ont ensuite montré que l‘étude de ces oscillations pouvait apporter des informations sur l'intérieur du Soleil, une hypothèse confirmée parl'Allemand Franz-Ludwig Deubner (1934-2017) en 1975. On peut imaginer une multitude d'ondes se déplaçant à l'intérieur du Soleil et réfléchies à la fois vers l'intérieur et vers sa surface. Leurs caractéristiques dépendent des conditions physiques des couches traversées. Comme les ondes sismiques qui permettent de connaître la structure interne de la Terre, les oscillations du Soleil observées en surface constituent un outil fondamental pour étudier l’intérieur du Soleil. Lorsque ces ondes interfèrent de façon constructive (en s’additionnant), on aura, pour une taille donnée, un réseau de ventres (zones où le déplacement est important) et de nœuds (zones où le déplacement est nul) à la surface du Soleil. Il y a ainsi superposition de millions de types de vibrations (modes) dont l'identification implique une mesure très précise de leur période. Ainsi, à partir de la comparaison des fréquences observées avec les modèles solaires, il est possible de suivre la variation de la vitesse du son du milieu traversé, et donc d’obtenir des informations sur la température et la composition chimique.
On distingue deux grands types de modes. Tout d’abord, les modes de pression (ou modes p) qui sont des ondes sonores où la force de rappel (retour à l’équilibre après passage de l’onde) est due à une différence de pression. Leur période est de l'ordre de quelques minutes (jusqu'à l'heure) et leur amplitude mesurée peut être aussi faible que quelques centimètres par seconde. Le second type regroupe les modes de gravité (modes g), ondes dont la force de rappel est cette fois la force d’Archimède.
À partir de la détection et de l'identification de modes p, il a été possible de mesurer la vitesse du son à l’intérieur du Soleil avec une précision meilleure que le millième et d'avoir aussi une idée de la rotation des couches internes du Soleil. Les sismologues du Soleil sont toujours à la recherche des modes g qui, de périodes supérieures à l’heure, restent essentiellement confinés au cœur du Soleil. Ils sont très difficiles à mesurer car ils s’affaiblissent près de la surface, là où se forme le rayonnement. Leur détection, ardemment recherchée et débattue, permettrait de déterminer de façon certaine les propriétés du cœur du Soleil et, en particulier, sa rotation.
L'héliosismologie a déjà permis de mesurer la circulation de matière dans la zone convective. En effet, la vitesse de propagation des ondes va augmenter dans le sens du mouvement de la matière et leur fréquence sera plus élevée. À la surface, on constate dans les deux hémisphères une circulation de matière de l'équateur vers les pôles avec une vitesse qui peut atteindre 16 m/s (soit près de 60 km/h) à la latitude de 450. Ce n’est qu‘en 2020 qu’un mouvement inverse, c’est-à-dire des pôles vers l’équateur, a été mis en évidence à la base de la zone convective, avec une vitesse de l’ordre de 4 m/s (près de 15 km/h). Le calcul du temps mis pour un cycle complet donne ainsi une période de vingt-deux ans, ce qui correspond à celle du cycle magnétique du Soleil (dont la polarité magnétique s’inverse tous les onze ans). On a une preuve directe de l'action cyclique de la dynamo solaire, processus physique à l’origine du champ magnétique du Soleil.
Le succès de l'héliosismologie est tel que la méthode est désormais couramment utilisée pour connaître l'intérieur des étoiles (on parle alors d’astérosismologie) et de nos planètes gazeuses.
L'atmosphère externe
Le Soleil ne se limite pas à sa surface.Sur une étendue d’environ 7 millions de kilomètres au-dessus de sa surface, la densité décroît de près de dix ordres de grandeur alors que la température varie avec un accroissement important, vers 2 000 kilomètres d’altitude environ, de deux ordres de grandeur, passant de 10 000 K à plus de 1 million en quelques centaines de kilomètres. En réalité, le Soleil s'étend encore bien au-delà puisque le milieu interplanétaire, dont le voisinage de la Terre, est sous l’influence de l’atmosphère externe du Soleil via les vents solaires.
Au-dessus de la partie interne du Soleil, on distingue différentes couches présentant des propriétés spécifiques et observables dans divers domaines du spectre électromagnétique.
La photosphère
Il s'agit de la couche intermédiaire (quelques centaines de kilomètres) entre les atmosphères interne et externe, dont la partie supérieure définit la surface du Soleil. C’est la partie visible à l’œil nu de notre étoile et de là que provient l’essentiel de la lumière solaire que la Terre reçoit. La température décroît vers cette surface, de quelque 6 000 K pour atteindre, au-delà de cette couche, un minimum de 4 250 K.
La chromosphère
Elle est située juste au-dessus de la photosphère. Sa température croît, passant de 4 250 K à près de 10 000 K en quelques milliers de kilomètres. Visible à l’œil nu lors d’éclipses totales du Soleil (qui cachent alors l’intense lumière de la photosphère), cette couche apparaît comme un anneau rougeâtre (d’où son nom, « chroma » signifiant « couleur » en grec) autour du disque solaire car elle émet dans une raie de l'hydrogène située dans le rouge à 656,3 nanomètres (nm) de longueur d'onde, la raie H alpha.
La région de transition chromosphère-couronne
Au-dessus de la chromosphère, la température monte à plus de 1 million de K sur quelques centaines de kilomètres. Cette augmentation rapide de température reste encore bien mystérieuse.
La couronne solaire
La basse couronne est constituée d'un plasma très chaud et de plus en plus dilué (entre la photosphère et la couronne, la densité électronique chute d'un facteur 100 000) quand on s'éloigne du Soleil. Après des siècles d'observations d'éclipses (seule façon d’observer à l’œil cette zone car, peu dense, elle est peu lumineuse) et la preuve apportée au xxe siècle par la spectroscopie et la physique atomique que ce milieu est très chaud, le mystère de la source de ce chauffage coronal reste à élucider. La mission Soho (Solar and Heliospheric Observatory), lancée en décembre 1995, a montré l'existence d'événements dissipatifs d'énergie à très petites échelles dans des structures magnétiques comme les boucles coronales. Certains de ces événements ne sont pas directement observables du fait de leur petite taille, mais on en mesure statistiquement les effets radiatifs. Beaucoup de processus invoqués se rapportent à des reconnexions magnétiques au cours desquelles le champ magnétique (sous l'effet de déplacements sous-jacents) se reconfigure, permettant la transformation d'énergie magnétique en énergie thermique.
En s’éloignant encore plus du Soleil, la couronne s'étend jusqu'aux planètes et se manifeste sous forme de transports de matières (vents, éjections de masse…).
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Écrit par
- Jean-Claude VIAL : directeur de recherche émérite à l'Institut d'astrophysique spatiale (CNRS-université Paris-Sud, université Paris-Saclay), Orsay
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