SOLEIL
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Une étoile magnétique
Le champ magnétique joue un rôle décisif dans les régions externes du Soleil (photosphère, chromosphère et couronne).
L’évidence d’un champ magnétique
C'est à la surface du Soleil (photosphère) que la manifestation du champ magnétique solaire a été mise en évidence avec la présence de régions sombres qui « souillaient » ou « maculaient » une surface uniformément brillante : les taches solaires (maculaeen latin). Si certaines, bien visibles à l’œil nu, ont été remarquées depuis bien longtemps en Asie (notamment en Chine), il a fallu attendre l’utilisation, au début du xviie siècle, de cet instrument révolutionnaire qu’est la lunette astronomique pour mieux les observer et les étudier systématiquement. Ainsi Galilée (1564-1642) a pointé vers 1610 sa lunette vers le Soleil. Il en a été de même, quasi simultanément, pour Johann Fabricius (1587-1617) et Christoph Scheiner (1575-1650). Ces savants ont prouvé, avec la présence de ces taches solaires, que cet astre était loin d'être parfait (immaculé), venant mettre à mal le préjugé de la perfection des corps célestes et de l’Univers inaltérable selon Aristote. Ils ont aussi mis en évidence, grâce à de patientes observations, sa rotation sur lui-même. La nature de ces taches a longtemps posé problème aux astronomes, qui ont compris que leur aspect sombre signifiait certes une température plus faible, mais sans en connaître les raisons.
La nature magnétique des taches solaires a été établie en 1908 par l’astronome américain George Ellery Hale (1868-1938). Pour cela, il a utilisé la découverte de la séparation en plusieurs composantes polarisées de certaines raies spectrales d'un gaz soumis à un champ magnétique (effet Zeeman, du nom du physicien néerlandais qui l’a mis en évidence en 1896). L’écartement de ces composantes étant proportionnel à l'intensité du champ magnétique, on a pu en déduire que, dans les taches, le champ est de l'ordre de 0,2 à 0,4 tesla (T) soit près de 10 000 fois plus intense que le champ magnétique terrestre. Dans les mouvements convectifs ascensionnels de la zone convective, le champ magnétique – formé sans doute à la limite des zones radiative et convective, dans une région appelée tachocline – bloque le plasma et donc l'énorme quantité d'énergie (chaleur) associée. Une tache solaire est ainsi plus froide (avec une température qui peut descendre en dessous de 4 000 K) que la surface environnante (6 000 K). C'est dans sa région centrale (zone la plus sombre), dite « ombre », que le champ magnétique est le plus intense et la température la plus basse. Le champ magnétique y est vertical mais il est orienté plus horizontalement dans la « pénombre », région périphérique de la tache. Autour d’une tache (dont le diamètre est de l'ordre de 50 000 km ou plus), on retrouve le réseau de granulation. La durée de vie d'une tache est très variable, de quelques jours à quelques mois.
Ces taches ne sont pas les seules régions magnétiques à la surface du Soleil. Les cellules de granulation, dont la matière au centre de celles-ci se refroidit à la surface et retombe en périphérie avec une pression gazeuse plus faible, présentent à leurs frontières (zones sombres) des filets magnétiques brillants.
Le rôle du champ magnétique et de sa pression est déterminant dans la chromosphère et la basse couronne, d'autant plus que la matière devient de plus en plus ionisée en s’éloignant du Soleil et que les ions et électrons ainsi obtenus vont suivre les lignes de champ, un peu comme la limaille de fer suit les lignes magnétiques d'un aimant.
L’augmentation de la température, qui devient brutale à une altitude d'environ 2 000 kilomètres au-dessus de la surface du Soleil, et la chute de la densité permettent au champ magnétique d'occuper une grande partie de l’espace et d’imposer sa structuration à la matière. Le plasma (matière ionisée) va donc se déplacer en suivant les lignes de champ magnétique et devient prisonnier de ces structures. Il est ainsi « gelé » au sein du champ magnétique, ne pouvant se déplacer perpendiculairement à ces lignes de force.
Les grandes structures magnétiques solaires
À l'échelle du Soleil, on peut distinguer trois grands types de régions magnétiques.
Les régions actives
Elles sont le plus souvent pourvues de taches. La matière est prisonnière d’énormes pièges magnétiques que sont les boucles coronales. Le champ magnétique est « fermé » et souvent intense : les lignes du champ magnétique issues d’une tache (de polarité nord) se ferment par exemple sur une autre tache (de polarité sud) à proximité en se déployant sous forme d’une boucle dans l'atmosphère coronale. Ce système de taches est dit bipolaire.
Les boucles coronales peuvent atteindre une hauteur de 100 000 kilomètres, mais leur section est de l’ordre d’une centaine. Parce que la matière est portée à environ 1 million de kelvins, elles ne peuvent être visibles que dans des rayonnements de très courtes longueurs d’onde (extrême ultraviolet, ou EUV, et X). Leur durée de vie, qui peut être de l'ordre de plusieurs rotations solaires (c’est-à-dire plusieurs mois), est liée à la « solidité » de leurs ancrages magnétiques. Une perturbation magnétique – par exemple, l'émergence d'un nouveau flux magnétique – peut les déstabiliser et donner alors lieu à des éruptions de matière qui sont accompagnées de très fortes émissions lumineuses (surtout X et EUV). Ces échappements de matière se font dans une large gamme d'énergie : depuis des particules énergisées par de puissants processus d'accélération situés dans la couronne solaire (éruptions appelées flares en anglais) jusqu'à de plus lentes éjections de matière appelées éjections de masse coronale (Coronal Mass Ejections, ou CME).
Les trous coronaux
Ce sont des régions de la couronne de moindre densité, et donc de moindre intensité lumineuse (notamment dans l’EUV), où les lignes du champ magnétique s’ouvrent vers l’espace interplanétaire. Ce qui signifie que si l’ancrage de la ligne de champ est de polarité Nord à la surface du Soleil, on ne trouvera la polarité Sud que très loin dans l’espace interplanétaire. À partir de ces trous coronaux, la matière chargée peut s’échapper facilement le long du champ magnétique, formant un vent solaire rapide de l’ordre de 800 km/s. On ne comprend pas pourquoi ce vent est plus rapide que le vent théorique qui résulterait de la simple « évaporation » de la couronne portée à une température de plus de 1 million de K. Un couplage entre les particules ionisées qui tournent autour des lignes du champ magnétique coronal et les ondes magnétohydrodynamiques produites plus bas dans la chromosphère est sans doute à l’œuvre. Les trous coronaux sont essentiellement situés aux pôles lorsque l’activité du Soleil est minimale. Ils peuvent exister dans les régions équatoriales en période de forte activité solaire.
Les régions dites calmes
Si la surface est relativement uniforme au niveau de la photosphère, la chromosphère, au-dessus, montre une floraison de structures de formes très variées qui donnent l'impression d’un champ de minuscules boucles fermées. Ces structures, vues comme des « dents » au-dessus du bord solaire (ou limbe), appelées spicules, sont le siège de déplacements de matière susceptibles d'alimenter la couronne, mais qu’il est de plus en plus difficile de détecter lorsqu’on s’éloigne du limbe solaire. Ces jets éphémères (durée de vie de l’ordre de 5 à 10 minutes) de gaz ont un diamètre de quelque 500 kilomètres et s’élèvent à plus de 10 000 kilomètres.
Couronne solaire et vents solaires
Enfin, plus haut dans la couronne, le nombre d’atomes d'hydrogène par unité de volume chute encore plus vite que le nombre d’électrons. En effet, dans ces conditions de température (1 à 2 millions de K), les atomes du gaz ont perdu leurs électrons et se chargent positivement. Le gaz est ionisé et l'hydrogène n'y existe plus qu'à l'état de trace. Son échappement (vent solaire) est alors initié par la très haute température de la couronne. Cette dernière ne peut rester en équilibre hydrostatique, cela conduirait à une pression plus élevée que celle mesurée loin dans l’héliosphère. Un vent solaire se met alors en route.
La perte de masse due aux vents solaires (1 million de tonnes par seconde) n’est pas très importante : il faudrait attendre quelque 10 000 milliards d’années pour épuiser la masse du Soleil par ce processus… L’impact de ces vents sur la Terre ne doit pas, lui, être sous-estimé car le champ magnétique emporté par ces vents vient buter contre celui de notre planète et le perturber. Ces vents atteignent enfin les confins de l’héliosphère (situés à plus d’une centaine d’unités astronomiques du Soleil) où ils rencontrent le vent du milieu interstellaire avec lequel ils échangent leurs charges électriques.
On distingue deux types de vents solaires : un vent continu et rapide (800 km/s ou plus), issu de trous coronaux ; un vent lent (400 km/s) et intermittent, venant pour l’essentiel des bords des trous coronaux et des régions actives à l’occasion d’éruptions. Ces deux types de vents ont été mesurés in situ par la sonde spatiale Ulysses (1990-2009) qui, en sortant du plan de l’écliptique, a pu observer les pôles.
Les vents solaires ont joué un rôle déterminant dans l’érosion de l'atmosphère de Mars, autrefois bien plus dense. Pareille mésaventure ne risque pas d'arriver à la Terre tant que celle-ci gardera un champ magnétique de l'ordre de 50 microteslas. En effet, celui-ci lui sert de bouclier contre les particules chargées du vent solaire qui viennent la frapper. Il y a toutefois une exception : ce sont les « cornets » polaires, où le champ magnétique terrestre s'ouvre vers l'espace interplanétaire et par où s'engouffrent les particules chargées dès qu'elles ont une énergie suffisante. C'est ce qui se produit à l'occasion des éruptions solaires.
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Écrit par
- Jean-Claude VIAL : directeur de recherche émérite à l'Institut d'astrophysique spatiale (CNRS-université Paris-Sud, université Paris-Saclay), Orsay
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- CONVECTION ou CONVEXION
- ASTROPHYSIQUE
- OSCILLATION DES NEUTRINOS
- RAYONNEMENT SOLAIRE
- SPECTROSCOPIE, astronomie
- HERTZSPRUNG-RUSSELL (HR) DIAGRAMME
- NUCLÉAIRES RÉACTIONS
- PHOTO-IONISATION
- ÉRUPTIONS SOLAIRES ou TEMPÊTES SOLAIRES
- VENT SOLAIRE
- IRRADIANCE SOLAIRE
- HÉLIUM
- TEMPÉRATURE
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- TACHES SOLAIRES
- CHANGEMENT CLIMATIQUE
- PHOTOSPHÈRE
- CYCLE SOLAIRE
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- COURONNE SOLAIRE
- CORONOGRAPHE
- TOKAMAK ou TOKOMAK
- SPICULES SOLAIRES
- ÉTOILES GÉANTES ROUGES
- ROTATION, astronomie
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