BANDARANAIKE SOLOMON WEST RIDGEWAY DIAS (1899-1959)
Issu d'une des familles entrée tôt au service des colonisateurs britanniques et enrichie par cette collaboration, par des contrats publics et par les profits de vastes cocoteraies, S. W. R. D. Bandaranaïke est le pur produit d'un milieu anglicisé où l'on dédaignait la culture cingalaise et le bouddhisme au profit de la civilisation des conquérants et d'un anglicanisme de convenances. Envoyé en Angleterre où il poursuivit de brillantes études à Oxford, il entra tout naturellement à son retour dans la vie publique. Élu député en 1931 dans son fief familial, il devint en 1936 le plus jeune ministre du gouvernement constitué sous la tutelle britannique.
Intelligent et doué d'un sens politique sûr, il se rendit vite compte qu'une carrière bâtie sur la collaboration avec un pouvoir colonial sur la défensive n'avait pas d'avenir. Influencé par l'exemple de Gandhi, mais ne le suivant pas dans ses méthodes, il se convertit publiquement au bouddhisme, apprit la langue cingalaise, adopta le costume national : attitude qui lui valut une grande popularité dans les milieux ruraux traditionalistes privés jusque-là d'expression politique, et une non moindre considération auprès de la bourgeoisie anglicisée ébranlée par une crise d'identité culturelle.
Tirant parti du prestige de sa famille, Bandaranaïke se constitua un réseau de liens de clientèle en province et créa en 1937 pour lui donner forme le Sinhala Maha Sabha, fédération aux tendances nationalistes. Au moment de l'indépendance qu'il devait dénoncer plus tard comme un simulacre, il maintint sa participation à un gouvernement soucieux de continuité, puis rompit en 1951 avec l'United National Party (U.N.P.) au pouvoir et constitua sa propre formation, le Sri Lanka Freedom Party, qui obtint des résultats modestes aux élections de 1952.
Mais les échecs de l'administration U.N.P. facilitèrent sa tâche et, tirant parti de ses appuis dans les milieux ruraux traditionalistes et de la crainte qu'éprouvaient les milieux dirigeants d'un monopole de l'opposition pour la gauche marxiste, il conduisit à la victoire en 1956 une coalition qui rassemblait les fervents d'une renaissance cingalaise, des parvenus opportunistes et quelques progressistes animés par des convictions socialistes et anti-impérialistes.
Devenu Premier ministre, Bandaranaïke s'efforça de tenir la balance égale entre ces deux tendances hétérogènes, menant une politique limitée de nationalisations, tentant une réforme agraire et faisant du cingalais la seule langue nationale. La montée des tensions entre Cingalais et Tamouls, que sa campagne électorale avait contribué à susciter, ne lui laissa pas les moyens de poursuivre un projet politique cohérent. Paralysé par ses appuis, plus intelligent que résolu, il ne parvint pas à mettre à temps un terme aux violences raciales de 1958, et les contradictions entre la gauche et la droite de son organisation réduisirent la crédibilité de son gouvernement.
Le 26 septembre 1959 il succomba aux coups d'un jeune médecin ayurvédique armé par un groupe ultra dont les douteux trafics tenaient plus de place que les convictions bouddhistes et entra ainsi dans la légende. Malgré ses échecs, il devint le symbole de la renaissance cingalaise et de la défense des humbles.
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Écrit par
- Éric MEYER : professeur d'histoire et civilisation de l'Asie du Sud à l'Institut national des langues et civilisations orientales
Classification
Média
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