SOMME DE LOGIQUE, Guillaume d'Ockham Fiche de lecture
Une pensée du singulier
La Somme de logique formule aussi et met en œuvre certaines thèses philosophiques qui ont fait la renommée de Guillaume d’Ockham. C’est notamment le cas du « principe d’économie », dit parfois « rasoir d’Ockham » : il ne faut pas multiplier les entités sans nécessité. Ce principe n’est pas nouveau, mais Ockham l’applique de façon draconienne. Il ne faut pas imaginer autant de distinctions réelles que ce que la logique requiert de types de termes. Ainsi sont récusées de nombreuses entités générales ou abstraites qui seraient signifiées par des termes communs, comme « humanité », ou par des expressions dérivées d’adverbes, comme « simultanéité » ; ce ne sont jamais que des manières de signifier les substances individuelles ou les qualités particulières.
Guillaume d’Ockham défend en effet une ontologie nominaliste, qui ne reconnaît d’être qu’aux étants singuliers. Tout ce qui est, du seul fait qu’il est, est singulier. Dans la Somme de logique,le nominalisme se déploie dans la critique des universaux et dans la théorie des catégories. Ockham critique toute théorie réaliste de l’universel, en particulier celle de Jean Duns Scot (1268 env.-1308) qui posait une identité réelle mais une différence formelle entre la nature commune et la différence individuelle. Quant aux catégories héritées d’Aristote, ce ne sont pas des genres de l’être mais des types de signes. Parmi eux, seuls les termes signifiant des substances et les termes signifiant des qualités ont une signification propre et directe. Les autres (termes quantitatifs, relationnels, etc.) signifient ou connotent uniquement des substances et des qualités.
C’est la façon même de faire de la philosophie qui se trouve ici renouvelée. En effet, la philosophie devient une entreprise d’élucidation logico-linguistique des discours tenus par la théologie, la métaphysique ou la physique. L’influence de cette démarche et de ces principes d’analyse sera grande tout au long du Moyen Âge tardif, aussi bien parmi les philosophes commentateurs d’Aristote que parmi les théologiens.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Joël BIARD : professeur émérite des Universités
Classification
Média
Autres références
-
OCKHAM GUILLAUME D' (1287 env.-1347)
- Écrit par Maurice de GANDILLAC et Jeannine QUILLET
- 6 678 mots
- 1 média
...épistémologique qui marque l'avènement des Temps modernes. Du Commentaire des Sentences aux gloses sur la Physique et la Métaphysique, des Quodlibets à la Somme de logique, on voit partout à l'œuvre deux principes : l'un qu'on a déjà signalé et qui vient du scotisme – le thème de la « puissance absolue »,...