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SOMME DE THÉOLOGIE, Thomas d'Aquin Fiche de lecture

Autonomie du bien commun

Bien que la Somme ne comporte aucune question consacrée en particulier à la politique, Thomas analyse avec précision les nombreux problèmes qui se posent à la « communauté des hommes » à partir de la notion du bien commun. Il fait l'apologie du pouvoir, dont le rôle est d'ordonner les rapports des hommes entre eux et de lutter contre le désordre. La loi vise à aider les hommes à « vivre » et à « bien vivre », ce qui implique que le prince tende à promouvoir le bien commun et à réprimer les vices, montrant que le bien commun l'emporte sur les biens propres individuels.

Aux xiie et xiiie siècles surgissent des villes, des communes, des corporations, des principautés nouvelles qui diversifient les statuts et les pouvoirs au sein de la chrétienté d'Occident. Partisan de l'ordre établi, Thomas défend avec nuance le régime de la monarchie, à l'époque où la royauté de Saint Louis est considérée comme exemplaire. S'appuyant sur Aristote, il ne sacralise pas le pouvoir, mais en rappelle les sources profanes : « Tel est le meilleur régime, hautement mélangé de monarchie [...], d'aristocratie [...], de démocratie ou de pouvoir populaire, du fait que de simples citoyens peuvent être choisis comme chefs et que le choix des chefs appartient au peuple » (Ia IIae, q. 105, art.1).

Thomas ne craint pas de dénoncer le régime tyrannique et affirme que son renversement n'est pas une sédition, car c'est le tyran qui est séditieux et nuit au peuple (IIa IIae q. 42, art. 2, s.3).

Il faut aussi souligner, avec Michel Villey, que la « pérennité de la doctrine politique de Thomas d'Aquin tient à sa modestie » et que l'engagement concret n'est pas l'affaire de ce théologien. Au xvie siècle, Thomas devient la source principale de la théologie et de la philosophie politique des catholiques, qu'approfondiront les théologiens juristes de la seconde scolastique, notamment Vitoria, Suárez et Bellarmin.

Pour nombre d'historiens de la pensée occidentale, le Thomas de la Somme reste celui qui, plus clairement que d'autres, a donné le primat à la méthode inductive-active des aristotéliciens (partir des faits pour en dégager la cohérence et des normes d'action) sur la méthode contemplative-déductive des platoniciens (partir des idées et des principes éternels pour en tirer les conséquences inéluctables). En ce sens, Thomas a éminemment contribué au développement de la rationalité moderne.

— Charles CHAUVIN

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Écrit par

  • : docteur ès sciences religieuses, ancien membre de la Direction littéraire de Desclée De Brouwer

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Média

Saint Thomas d'Aquin, Juste de Gand - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Saint Thomas d'Aquin, Juste de Gand