CONDORCET SOPHIE DE GROUCHY marquise de (1764-1822)
La vie de Sophie de Condorcet est loin de s'identifier à celle de son mari, dont elle a pourtant épousé les idées et partagé les travaux.
Sophie de Grouchy est née en Normandie en 1764, dans une assez illustre famille. Sa mère, sœur du président Dupaty, était une femme d'esprit et de sens. Sophie montre très tôt des dispositions pour l'étude, un caractère solide et beaucoup de sérieux. À l'occasion, elle s'improvise précepteur de son frère, le futur maréchal de Grouchy. C'est chez son oncle, le président Dupaty, qu'elle rencontre le marquis de Condorcet, alors secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, directeur de la Monnaie, jouissant de tous les honneurs dus à ses immenses travaux. Condorcet, qui a vingt et un ans de plus qu'elle, est séduit par les grâces, la beauté et la solidité d'esprit de Mlle de Grouchy. Il l'épouse en 1786. À l'hôtel de la Monnaie, où ils sont installés, Sophie tient salon, reçoit les philosophes, les Encyclopédistes, les étrangers de passage. Les Condorcet sont connus pour leurs opinions très avancées. Sophie est alors une des plus belles femmes de son temps.
Dans les premières années de la Révolution, elle partage dans les salons la célébrité avec Mme de Staël. Le fameux Prussien Anacharsis Cloots la poursuit de ses hommages publics et l'appelle la Vénus Lycéenne. Mais, à mesure que la Révolution se poursuit, les opinions politiques qu'elle partage avec son mari entraînent des ruptures pénibles ; la noblesse leur tient rancune, les accuse d'infidélité à leur classe. De leur côté, les révolutionnaires se méfient. Condorcet est décrété d'arrestation pour ses liens avec les Girondins et son acte d'opposition à la Constitution de 1793. Il se cache à Paris. Après sa mort, Mme de Condorcet s'occupera de faire publier son Esquisse sur les progrès de l'esprit humain, et la Convention, par un tardif hommage, en ordonne l'impression aux frais de la nation. Dans l'avertissement, elle écrit : « Puisse cette mort, qui ne servira pas peu dans l'histoire à caractériser l'époque où elle est arrivée, inspirer un attachement inébranlable aux droits dont elle fut la violation. C'est le seul hommage digne du sage qui, sous le glaive de la mort, méditait en paix pour l'amélioration de ses semblables ; c'est la seule consolation que puissent éprouver ceux qui ont été l'objet de ses affections, et qui ont connu sa vertu. » En 1794, elle connaît un moment la misère, mais réussit par son travail à assurer sa survie. En janvier 1795, elle s'installe rue Matignon, avec Julie Talma, et rouvre son salon. De 1801 à 1804, elle coopère avec Cabanis et Garat à la publication de la première édition des Œuvres complètes de Condorcet. Sous le Consulat et l'Empire, elle fréquente les idéologues Tracy, Garat, Cabanis, Thurot, Guinguené qu'elle réunit chez elle et qui sont tous plus ou moins des opposants au régime napoléonien. Sous les Bourbons, elle n'obtient aucune faveur. En 1816, elle a bien du mal à sauver son frère, le maréchal de Grouchy, inquiété pour les actes auxquels il a pris part pendant les Cent-Jours. Elle meurt en 1822, en laissant un ouvrage inédit qu'elle avait écrit pour l'éducation de sa fille.
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Écrit par
- Denise BRAHIMI : ancienne élève de l'École normale supérieure de Sèvres, professeure agrégée des Universités (littérature comparée), université de Paris-VII-Denis-Diderot
Classification
Autres références
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ÉDUCATION / INSTRUCTION, notion d'
- Écrit par Daniel HAMELINE
- 1 300 mots
...classe non pas pour éduquer mais pour instruire, le sens qu'ils donnent au verbe « éduquer » est le plus souvent inspiré de la définition proposée par Condorcet au début de la Révolution. Ce grand philosophe entendait par éducation toutes les manœuvres, manifestes ou dissimulées, maniant la contrainte...