SOPHIE TAEUBER-ARP. ABSTRACTION VIVANTE (exposition)
Die bekannte Unbekannte (« la célèbre inconnue ») : c’est sous ce titre que la télévision suisse alémanique SRF consacrait en 2012 un premier documentaire à la personnalité de Sophie Taeuber-Arp. Même dans son pays natal, la Suisse, l’artiste née à Davos en 1889 et décédée en 1943 dans un accident à Zurich, n’a connu qu’une discrète postérité.
Depuis une dizaine d’années environ, notamment avec l’exposition organisée par le Kunsthaus d’Aarau (Suisse) et la Kunsthalle de Bielefeld (Allemagne) en 2014-2015 (Sophie Taeuber-Arp. Aujourd’hui, c’est demain), l’œuvre de Sophie Taeuber-Arp connaît un regain d’intérêt. La rétrospective organisée conjointement par le Kunstmuseum de Bâle (20 mars-20 juin 2021), par le MoMA à New York et par la Tate Gallery de Londres parachève la reconnaissance de son apport tant au mouvement dada qu’à celui de l’abstraction au xxe siècle. Les prêts concédés par les quatre musées et fondations Jean-Arp, par des musées internationaux et de nombreuses collections privées ont permis de mener à bien une rétrospective de son œuvre en 250 objets.
La diversité des matériaux
Longtemps, Sophie Taeuber est restée dans l’ombre de son célèbre mari, le poète, peintre et sculpteur français Jean Arp (1886-1966) qu’elle rencontre à Zurich en 1916 et épouse en 1922. Anne Umland, cocommissaire de l’exposition avec Eva Reifert, Natalia Sidlina et Walburga Krupp, souligne dans le catalogue, le fait « symptomatique de la difficulté des femmes de sa génération, surtout dans le cas où l’époux était célèbre, à être perçues comme des artistes à part entière ».
La future artiste s’était formée dans les écoles d’arts décoratifs de Saint-Gall (centre de l’industrie textile en Suisse) puis de Munich. Elle y fit la connaissance du mouvement anglais Arts and Crafts, dont les idéaux rejoignaient son désir de perpétuer les techniques artisanales traditionnelles. La rétrospective de Bâle met pour la première fois en lumière, dans les premières sections du parcours, ses créations d’arts appliqués qui voient le jour entre 1908 et 1918 : housses de coussin brodées, colliers et bourses réalisées à partir de petites perles de verre colorées, tapis tissés en laine. Bien éloignées des motifs floraux alors en vogue, des formes géométriques complexes et colorées viennent orner ces créations qui annoncent l’art abstrait. Parallèlement, elle dessine ou peint à la gouache des compositions géométriques colorées. En osant moderniser des pièces bourgeoises (tels la bourse ou le sac à main), Sophie Taeuber-Arp dévoilait un esprit subversif qu’elle acheva de révéler au sein du mouvement dada qui naissait à Zurich durant la Première Guerre mondiale. Aux côtés des membres éminents comme Tristan Tzara ou Hugo Ball, l’artiste suisse dessine des costumes et des masques, se passionne pour la danse expressive qu’elle apprend auprès de Rudolf von Laban et invente des chorégraphies, réalise enfin une série de marionnettes en bois qui animeront en 1918 un spectacle joué au cabaret Voltaire, Le Roi Cerf. Cette partie de son travail avait été présentée dans l’exposition collective Dada (Centre Pompidou, 2005-2006).
Avec un pied dans le travail (elle enseigne à l’École des arts appliqués de Zurich jusqu’en 1928) et un autre dans la pratique artistique, sa création empreinte de légèreté et de modernité atteint alors un point d’équilibre.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Ingrid DUBACH-LEMAINQUE : historienne d'art, attachée de conservation
Classification
Média