SOPHIE TAEUBER-ARP. ABSTRACTION VIVANTE (exposition)
Une pionnière de l’abstraction
Au fil des salles et de la chronologie se lit le glissement progressif de l’artiste vers des médiums plus « nobles » – le dessin, la peinture, la sculpture – et vers une conceptualisation de sa pratique artistique. Le chantier de l’Aubette, projet de complexe de loisirs moderne édifié à Strasbourg qui lui est confié en 1926, aurait pu signer l’apogée de ses recherches. Sophie Taeuber-Arp vise à mettre en œuvre un véritable Gesamtkunstwerk(une œuvre d’art totale) en concevant aussi bien des éléments de décoration intérieure, de la vaisselle aux sièges, que des vitraux ou des fresques murales abstraites. L’échec du chantier, rendu difficile par ses relations avec l’artiste et théoricien hollandais Theo Van Doesburg, cofondateur du mouvement De Stijl, qui y participe, et par sa réception ratée auprès des Strasbourgeois sera une grande déception pour l’artiste. L’ensemble, en grande partie détruit – et reconstitué en 1994 et 2004 – a été a posteriori qualifié de « chapelle Sixtine de la modernité ».
En 1929, l’installation du couple Taeuber-Arp près de Paris, à Clamart, dans une maison-atelier devenue aujourd’hui fondation marque un tournant pour l’artiste, qui a obtenu entre-temps la nationalité française. Elle adhère à des groupements d’artistes qui prônent l’abstraction comme Cercle et Carré et Abstraction-Création ; elle s’y lie d’amitié avec le critique d’art Michel Seuphor et les artistes Piet Mondrian et Max Ernst. À partir de 1936, elle participe également activement à la revue d’avant-garde Plastique. Son langage plastique abstrait qui s’exprime désormais dans des reliefs en bois ou des gouaches a évolué vers un minimalisme des formes – ronds, points ou lignes – et un emploi de couleurs principalement primaires. Ses œuvres qui relèvent alors formellement du constructivisme sont pour vingt-quatre d’entre elles exposées à la grande exposition de groupe Constructivistes organisée par le Kunstmuseum de Bâle en 1937, une manifestation qui connaît un certain retentissement. La Seconde Guerre mondiale et l’occupation de Paris amènent le couple Taeuber-Arp à fuir vers le sud de la France et Grasse où sont réfugiés de nombreux artistes. Produits dans l’urgence par une artiste à court de moyens financiers et de matériel artistique, ses derniers dessins se réduisent à des parcours de lignes courbes entremêlées ou de spirales nerveusement dessinées au crayon de couleur sur le papier.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Ingrid DUBACH-LEMAINQUE : historienne d'art, attachée de conservation
Classification
Média