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KIERKEGAARD SØREN (1813-1855)

Kierkegaard - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Kierkegaard

Kierkegaard a eu une grosse influence sur un bon nombre de philosophes contemporains, qu'ils soient croyants ou non : Karl Jaspers, Martin Heidegger, Gabriel Marcel, Jean-Paul Sartre. Certains termes du philosophe danois comme « nausée », « angoisse », « existant » sont tombés aujourd'hui dans le langage courant. Mais, plutôt que de faire de Kierkegaard « le père de l'existentialisme », selon une formule consacrée, il importe de souligner qu'il a voulu être l'exception à laquelle l'homme actuel doit toujours se confronter. Il invite celui-ci à ne pas réduire le malheur de la conscience à une maladie, à ne pas prendre les sauvetages pour des saluts, à ne pas confondre les libérations avec la délivrance. En maintenant le pôle de l'Individu et celui de la Transcendance, il préserve le respect de la personne humaine, devenue aujourd'hui l'objet de manipulations de toute sorte, et il sauvegarde la notion de sacré en mettant le sujet à l'abri de toutes les caricatures qui prétendent la remplacer. Il donne à comprendre que l'existence est une tension entre ce qu'est l'homme et ce qu'il n'est pas, tension qui demeure par-delà toutes les synthèses dialectiques ou historiques. Bref il invite à méditer sans cesse sur ce paradoxe et sur ce scandale absolu que constitue le Dieu incarné dans la personne du Christ venant apporter à l'homme un message sans lequel celui-ci ne serait plus qu'un être errant.

Le témoin du christianisme

Le « tremblement de terre »

Søren Aabye Kierkegaard naquit à Copenhague ; il était le benjamin d'une famille de sept enfants dont beaucoup moururent jeunes. S'il ne mentionne jamais sa mère, les références à la personnalité marquante de son père sont nombreuses dans ses œuvres et dans son Journal. Michael Kierkegaard, le père de Søren, appartenait à une pauvre famille de neuf enfants ; un jour où il gardait des moutons dans la lande lugubre du Jutland, transi de faim et de froid, il osa maudire Dieu ; conscient du sacrilège qu'il avait commis, il pensa que toute sa famille subirait un effroyable châtiment et il éleva ses enfants dans cette crainte. Mais la chance finit par lui sourire et il fit fortune dans la bonneterie ; à quarante ans, retiré des affaires, il s'adonna à la réflexion philosophique et à la méditation religieuse. Ami des frères moraves, lecteur assidu des philosophes allemands, doué d'une imagination débordante, redoutable dialecticien, il faisait l'admiration de son fils qu'il éleva dans le respect d'un christianismetragique, celui du Christ ensanglanté, abandonné sur le Golgotha et hurlant : « Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » Lorsque Søren entra à l'université, il commença par mener une vie joyeuse avec ses compagnons d'études, fréquentant les cafés et les cercles de discussions. En 1834, il voit mourir sa mère et l'une de ses sœurs ; c'est le moment où il commence de rédiger son Journal, qui sera le compagnon de toute sa vie. Cette année est également celle d'un épisode mystérieux que Kierkegaard appelle « le tremblement de terre » et dont on a proposé de nombreuses interprétations. Il semble que celle de J. Hohlenberg soit la plus satisfaisante. Le père de Kierkegaard avait considéré son second mariage comme une sorte d'infidélité à l'égard de sa première femme qu'il aimait beaucoup ; celle qu'il avait épousée en secondes noces avait été sa servante et il en eut un premier enfant seulement cinq mois après le mariage. À la lumière de certains passages du Journal de Kierkegaard, Hohlenberg pense que les relations du père et de la servante débutèrent par un viol, secret dont le père aurait fait part à son fils un jour qu'il était ivre.

Bien que le naturel mélancolique de Søren Kierkegaard[...]

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, docteur ès lettres, professeur de philosophie à l'université de Dijon

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Kierkegaard - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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