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SOUFISME ou ṢŪFISME

Le soufisme confrérique

Les premières confréries islamiques (ṭarīqa, pluriel, ṭuruq) apparaissent au vie/xiie siècle sur un terrain désormais globalement favorable. Elles deviendront la forme dominante du soufisme jusqu'à l'époque moderne. Confréries de cour et d'aristocrates pour les unes (les Mevlevis d'Anatolie, dont le patron est le shaykh de Konya, Djalāl Ad-Dīn Rūmī, grand poète mystique, m. 672/1273), confréries plus populaires pour d'autres (les Rifā‘iyya de Babylonie, dont le fondateur est Aḥmad Al-Rifā‘ī, m. 578/1182), certaines, nées à cette époque, subsistent encore aujourd'hui à travers des ramifications multiples. La Qādiriyya en est un bon exemple (son patron est Abd Al-Qādir Al-Djīlānī, m. 561/1166).

Après avoir gagné l'ensemble du monde islamique central, de l'Iran à l'Irak, à la Turquie et à l'Égypte au cours des viie/xiiie et viiie/xive siècles, les confréries, souvent liées au pouvoir de leur temps ou contrôlées par lui (elles jouent un rôle important tout au long de la période ottomane), se trouvent à la pointe de l'islamisation dans les territoires nouveaux qui passent sous domination ou sous influence musulmane tant à l'est (domaine indo-malais) qu'à l'ouest (Afrique noire), non sans d'ailleurs que se manifestent des influences régionales importantes, voire des contaminations interreligieuses dans les cas extrêmes (Bābās d'Anatolie à l'époque ottomane et préottomane – cf. E.I., 2 –, « maraboutisme africain »). De cette longue période confrérique (huit siècles), à laquelle se rattachent dorénavant l'immense majorité des soufis, subsistent des organisations structurées, obéissant à une règle, définie en principe par le fondateur, souvent revue par les chefs de branches postérieurs, comportant toujours une affiliation solennelle (prise de l'habit appelé khirqa, guenille) et une littérature très touffue, qui comprend les œuvres attribuées aux patrons fondateurs, les commentaires de leurs disciples principaux, des vies de saints retraçant l'histoire légendaire de la confrérie et d'innombrables recueils de litanies. Ces organisations regroupent souvent des milliers de membres. Elles disposent d'établissements disséminés en de multiples lieux (ainsi, la Qādiriyya, qui compte des adeptes aussi bien en Afrique noire qu'en Malaisie).

Elles n'ont pu vivre aussi longtemps sans disposer de moyens importants de subsistance. Cette pérennité s'explique par le fait que les confréries ont bénéficié, depuis le début, du système dit des biens de main-morte (waqf) leur permettant, sauf exception, d'échapper aux spoliations et autres exactions qui ont été le fait des multiples pouvoirs qui se sont succédé dans l'aire islamique, depuis le haut Moyen Âge.

Une mention particulière doit être faite du soufisme chī‘ite d'époque confrérique. Le soufisme est, par définition, opposé au chī‘isme dans la mesure où les soufis peuvent apparaître comme constituant une hiérarchie spirituelle qui peut rivaliser avec les imāms chī‘ites, auxquels leurs adeptes prêtent des pouvoirs quasi surnaturels.

Cependant, il semble acquis que des interférences entre sunnisme et chī‘isme ont touché certains ordres mystiques, surtout dans le domaine iranien : on peut citer, entre autres, les Kubrāwiyya du Khwârezm (dont le fondateur est Nadjm Ad-Dīn Kubrā, m. 618/1221), les Naqshbandiyya, d'Asie centrale, qui se sont répandus ensuite de l'Inde à la Turquie (fondateur : Bahā AdDīn Naqshbandi, m. 792/1389) et surtout les Safawiyya d'Adharbaïjan, dont le fondateur est Safī Ad-Dīn (m. 735/1334) mais dont l'un des successeurs, Shāh Ismā‘īl, m. 931/1524, devait fonder la dynastie chī‘ite des Séfévides (907/1501-1148/1736), qui se trouve à la base de l'Iran moderne (sur le soufisme chī‘ite, voir Trimingham,[...]

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