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Soul Makossa, DIBANGO (Manu)

Dans les années 1950, le saxophoniste, pianiste et compositeur Manu Dibango (de son vrai nom Emmanuel Dibango N'Djocké) effectue des tournées au sein de diverses formations en Afrique et en Europe (il joue à Saint-Germain-des-Prés, en Belgique...). Il appartient, de 1956 à 1961, à l'African Jazz de Joseph Kabasélé. À Paris, dans les années 1960, il commence à accompagner des chanteurs comme Nino Ferrer, qui est alors en pleine ascension.

Devenu, selon l'expression consacrée, un «Négropolitain», Manu Dibango obtient des autorités camerounaises le financement d'un 45-tours qui doit aider à supporter l'équipe nationale de football dans le cadre de l'organisation au Cameroun de la Coupe d'Afrique des nations. Le disque est un échec... et l'équipe du Cameroun est éliminée au premier tour de la compétition. Sur la face B de ce 45-tours figure Soul Makossa, un titre auquel personne ne croit, pas même la maison de disques de l'artiste, Decca. Le morceau franchit par hasard l'Atlantique: à la surprise générale, il devient un tube aux États-Unis, puis en Europe. C'est la consécration pour l'enfant de Douala, qui va jouer au Madison Square Garden de New York et côtoyer les stars de la soul music américaine. Les Afro-Américains s'arrachent ses disques, dont ils apprécient le son authentiquement africain.

Soul Makossa emprunte à la soul music un style d'arrangement rythmique (basse et batterie) qu'affectionne James Brown, ainsi que divers éléments d'orchestration, comme les tenues ou le break joué par les cuivres, tout droit sortis de Soul Power, de James Brown. Soul Makossa est un titre d'afro-beat avant la lettre: ce terme sera inventé par le Nigérian Fela (Fela Ransome-Kuti, 1938-1997), que Manu Dibango a fréquenté.

Manu Dibango s'inspire du makossa, un rythme de danse de la région de Douala, également utilisé de manière moderne par Lapiro de Mbanga, ce dernier l'accompagnant de textes revendicatifs. La musique traditionnelle camerounaise sera largement métissée par la pop music: Les Têtes brûlées, un groupe de punk funky, adapteront le bikutsi, un rythme à 6/8 de l'ethnie Beti.

Outre le groove dansant, le charme de Soul Makossa réside dans le dialogue qui s'établit entre la voix parlée, sorte de talk over africain, les chœurs et le riff de saxophone, minimaliste. Celui-ci, très rythmique, tourne autour de deux notes, la septième mineure et la fondamentale du mode, alors que le motif de basse électrique est une pédale au dessein mélodique incluant également cette septième et approchant la tierce majeure par un chromatisme (Maceo Parker, arrangeur et saxophoniste de James Brown, est coutumier de ce type d'écriture).

Après divers essais infructueux, comme celui de Fela, qui se produit sans succès aux États-Unis à la fin des années 1960, Soul Makossa donnera le départ du phénomène world music, qui verra nombre de musiques électriques africaines, comme le highlife, faire communiquer la pop music, le funk et les traditions ancestrales.

— Eugène LLEDO

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Écrit par

  • : compositeur, auteur, musicologue et designer sonore