SOUL MUSIC
Comme le rhythm and blues qui l'avait précédée, la soul music est bien davantage une appellation qui regroupe un vaste ensemble de musiques noires qu'un genre spécifique aux contours précis.
Genèse
Le vocable soul (l'« âme », avec le prolongement implicite « noire » mais non formulé, comme à l'habitude, dans le langage sudiste de la ségrégation) fut, semble-t-il, d'abord employé dans le gospel noir puis dans le jazz avant d'apparaître à la fin des années 1950 sur des disques de Ray Charles, celui-ci devenant même le premier « Soul Brother », avant James Brown ! À ce moment, la lutte pour l'abrogation des lois ségrégationnistes dans les États du Sud et la reconnaissance des droits civiques bat son plein, initiée et dirigée jusqu'à la victoire finale d'abord et avant tout par les mouvements religieux, les pasteurs – comme, bien entendu, Martin Luther King –, les associations de fidèles. Le gospel, avec ses manières, ses accords, ses accents, est la musique de ces mouvements, même lorsque les contenus s'écartent substantiellement de thèmes proprement religieux. L'idée que cette lutte anti-ségrégationniste est le fait d'un seul peuple noir réuni dans une vaste paroisse autour d'une même âme noire (soul) qui ne comprendrait plus que des membres d'une seule famille (brothers et sisters) semble emporter l'adhésion d'une vaste majorité de Noirs américains qui, à la fin des années 1960, veut tourner les pages d'un siècle de ségrégation pour donner enfin naissance à une nouvelle société noire américaine.
Le blues – qui, sous une forme ou une autre, avait dominé la musique populaire noire depuis les années 1920 – n'attire désormais plus la jeunesse, qui ne se reconnaît plus dans cette musique d'essence rurale qui, en outre, leur paraît terriblement désuète. La plus grande partie de la communauté afro-américaine suit d'ailleurs aussi les consignes explicites ou implicites des élites et de la bourgeoisie noires qui, à l'unisson des Églises, veulent effacer tous les signes d'une négritude liée à la ségrégation, dont le blues est évidemment un des principaux éléments culturels. Alors que le rhythm and blues et les groupes vocaux de doo-wop avaient agrégé au blues certaines tendances de la variété des années 1940 et que le rock'n'roll représentait l'aboutissement d'un long processus de mariage entre blues et hillbilly, la soul procède à l'union des sonorités dominantes du gospel avec des textes profanes, parlant du monde contemporain.
Si, musicalement, la soul s'inspire considérablement du gospel noir, le chanteur de soul se veut être le prolongement profane des sermons religieux. Le contenu socio-politique est souvent fort, le « message » (les sermons) extrêmement présent, même si nombre de morceaux sont avant tout des invitations à de multiples nouvelles danses aux figures – et aux paroles – particulièrement osées. Be black and be proud, Stand up, et bien d'autres appels constamment réitérés dans les paroles des chansons sont bien plus que des slogans : des engagements identitaires et culturels autour de la danse et de la musique. La soul est ainsi la réaffirmation d'une identité distincte noire dans un ensemble américain dont on veut être partie prenante sans perdre sa spécificité. Si, à la fin des années 1950, le sentiment général est qu'il faut s'intégrer absolument à l'Amérique moyenne – la musique noire la plus vendue est alors celle de Brook Benton, de Johnny Mathis, de Sammy Davis, Jr. –, la fin des années 1960 marque, elle, le refus d'une dilution de l'« âme » noire qui se matérialise dans la soul.
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Écrit par
- Gérard HERZHAFT : écrivain
Classification
Médias
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