SOULÈVEMENTS (exposition)
Manifester, s’exposer
Lorsque les conflits s’embrasent, la vie collective se réinvente et reviennent alors les formes récurrentes des grèves, manifestations, barricades, vandalismes... Par-delà l’espace et le temps, aux barricades parisiennes de 1848 photographiées par Thibault font écho celles de Barcelone vues par Agusti Centelles en 1936, et à La Charge, gravée par Félix Vallotton en 1893, répondent les altermondialistesd’En attendant les gaz lacrymogènes (1999-2000) d’Allan Sekula. « Mourir d’injustice » est souvent le lot des « soulevés » tels les morts de la Guerre civile dessinésen 1871 par Manet. L’Espoir du condamné à mort (1974), hommage de Miró à un jeune anarchiste exécuté par Franco, souligne qu’il reste toujours l’ultime espoir de laisser la trace d’un soulèvement : des graffitis sur les murs d’une prison allemande à Athènes, ou quatre clichés arrachés aux chambres à gaz par un membre du Sonderkommando à Birkenau, en 1944.
La dernière partie de l’exposition, « Par désirs (indestructibles) », tend à montrer qu’au-delà de la mort il existe toujours quelqu’un pour relever le flambeau de l’insoumission. Dans le sillage d’Antigone ou de Mère Courage mises en scène par Brecht, la figure de la femme traverse toute l’exposition – les Divorceuses (1848-1849), caricaturées par Daumier, les « soldates » de la révolution mexicaine en 1914, les mères de la place de Mai en Argentine en 1982… – jusqu’à 50 Piques (1992), installation d’Annette Messager, évocation de la contestation féministe. Pris dans cette constellation, il y a aussi Eux qui traversent les murs, ces migrants à la frontière gréco-macédonienne saisis dans un plan fixe poignant par Maria Kourkouta (2016), ou ces habitants de Gaza empêtrés dans les check-points, maltraités telles des viandes que l’on découpe, comme le poétise violemment le film Gaza – Journal intime (2001), de Taysir Batniji.
« Se soulever, c’est briser une histoire que tout le monde croyait entendue (au sens où l’on parle d’une “cause entendue”, c’est-à-dire close) : c’est rompre la prévisibilité de l’histoire, réfuter la règle qui présidait, pensait-on, à son développement ou à son maintien, résume Didi-Huberman. Je suis peut-être très idéaliste, mais le peuple c’est comme la mer. Une digue est moins solide que les vagues, un jour elle tombera. La solidité est dans la persistance du désir. Or, écrit Freud, le désir est indestructible. Il y aura toujours des enfants pour faire le mur. »
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Écrit par
- Armelle CANITROT : journaliste et critique photo
Classification
Média