Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SOUMISSION (M. Houellebecq) Fiche de lecture

Un antimoderne

C’est bien le cogito cartésien, fondement de la tradition rationaliste occidentale, qui est récusé ici. Dans cette défaite programmée de la pensée, on reconnaît la lignée littéraire « antimoderne » dans laquelle s’inscrit Houellebecq, et dont Huysmans, très présent dans le roman, est un illustre représentant : rejet de l’intellectualisme et des Lumières, pessimisme exacerbé, goût du paradoxe et de tout ce qui favorise l’instabilité du sens. Soumission nous renvoie sans aucun doute à cette « école du désenchantement » (Balzac) qui, depuis le début du xixe siècle, joue Pascal contre Descartes, fait son idole de Schopenhauer et ne se résigne au mouvement de l’histoire que pour mieux l’exécrer. Le profond déficit à la fois spirituel et ontologique que met en scène le roman hante et condamne l’ensemble de la civilisation occidentale. Tel est le vrai sujet du livre.

En rester là serait cependant oublier que Soumission s’ouvre sur un magnifique éloge de la littérature. Éloge funèbre, sans doute, mais en forme d’ardente défense. Car le roman suggère que, contrant la solitude mais sauvegardant une altérité, offrant la possibilité d’une « libre fréquentation intellectuelle », délivrant une forme de vérité instable, fuyante, mais autrement inaccessible, la littérature est l’instrument privilégié d’une pensée à rebours. Nul hasard si François envisage de se convertir après avoir achevé, par un ultime article, sa longue relation avec Huysmans : renoncer à la littérature, c’est se soumettre – c’est abdiquer toute résistance, c’est se perdre soi-même. Soumission est là pour nous en défier.

— Agathe NOVAK-LECHEVALIER

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Média

Michel Houellebecq - crédits : Kojoku/ Shutterstock

Michel Houellebecq