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SOUS LE SOLEIL DE SATAN, Georges Bernanos Fiche de lecture

Dans le sillage de Léon Bloy et de Barbey d'Aurevilly, Georges Bernanos (1888-1948) incarne un autre type d'écrivain engagé : le romancier et le pamphlétaire catholique. Son combat s'inscrit plus dans une perspective psychologique, orientée vers le surnaturel, que vers une apologétique partisane. Bien qu'il soit né à Paris, Bernanos, élevé dans le Pas-de-Calais, gardera durant sa vie d'errance un attachement viscéral aux « chemins du pays d'Artois » qui forme le décor de son premier roman, Sous le soleil de Satan, paru en 1926, mais rédigé entre 1919 et 1925. Alors âgé de trente-huit ans, il expose par ce texte d'une rare violence la quasi-totalité des thèmes de son œuvre à venir : le monde de l'enfance, la sainteté, le martyre et surtout la puissance du Mal.

Une « mystique ingénue »

Le livre s'ouvre par un long prologue, apparemment distinct du reste du livre. Une petite provinciale de seize ans, Germaine Malorthy, dite Mouchette, mue par « une curiosité sans borne », veut connaître l'amour et se donne au marquis de Cadignan. À la séduction succèdent bientôt la dépendance et la chute : Mouchette aimera mais pour en mourir et faire mourir : « Germaine savait aimer, c'est-à-dire qu'elle nourrissait en elle, comme un beau fruit mûrissant, la curiosité du plaisir et du risque, la confiance intrépide de celles qui jouent toute leur chance en un seul coup. » Enceinte, elle est aussitôt repoussée et décide de se venger en faisant croire à son amant qu'elle est la maîtresse du docteur Gallet, député libidineux qui la convoite depuis longtemps. Mouchette tue le marquis en maquillant le crime en accident. Devenue la maîtresse de Gallet, elle le supplie en vain de la faire avorter, puis avoue son crime et veut contraindre son nouvel amant à partager son terrible secret. Mais il ne la croit pas. Après une soudaine crise d'hystérie, signe de possession maléfique, elle donne naissance à un enfant mort-né. Impuissante à ouvrir son âme, retranchée de l'amour de Dieu et des hommes, Mouchette est cette « part maudite » que rien ne vient racheter : « Un meurtre excepté, rien ne marquera ses pas sur la terre. Sa vie est un secret entre elle et son Maître ou plutôt le seul secret de son Maître. »

Dans la seconde partie du roman, l'auteur met en scène un vicaire de campagne, l'abbé Donissan. Vivant portrait de saint Jean-Marie Vianney, inspirateur de Bernanos, Donissan est une âme inquiète, un ascète aspirant au cloître qui suscite la méfiance de ses supérieurs. En se rendant à pied à Étaples, le prêtre s'égare dans une campagne qui lui est pourtant familière. Durant cette nuit de cauchemar, il va être recueilli par un maquignon. Au fil de la conversation, l'abbé Donissan reconnaît avec horreur dans la personne de cet étranger affable bien que vulgaire le Malin en personne. Sauvé par l'arrivée d'un paysan, le prêtre rencontre Mouchette à qui, grâce au don qu'il possède de lire les âmes, il saura faire avouer son secret. Par la confession, il lui enlève l'orgueil de sa faute ; dépouillée de tout, même de son crime, Mouchette attente à ses jours. Donissan la ramène agonisante dans l'église, geste d'amour qui scandalise ses paroissiens. Par le miracle de cette rencontre entre l'abbé et la jeune femme, le sens intime se révèle : leurs vies étaient surnaturellement liées l'une à l'autre.

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de la philosophie, critique littéraire à Études, poète et traducteur

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Autres références

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