Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SPARTAKISME

Objectifs et méthodes, influence

Que voulaient les spartakistes ? D'abord mettre fin à la guerre par la révolution, c'est-à-dire en s'attaquant au système capitaliste qu'ils voulaient remplacer par le socialisme. Contre la passivité des dirigeants social-démocrates, ils ont préconisé l'action des masses ; mais ils n'ont réussi à mobiliser celles-ci qu'à partir de novembre 1918 et presque exclusivement dans les grandes villes. Contre le nationalisme du S.P.D., ils s'affirment résolument internationalistes. Contre l'« appareil » social-démocrate, ils font appel et confiance aux masses, laissent la plus grande autonomie aux groupes locaux, se refusent à toute organisation centralisatrice. Leurs partisans, souvent jeunes et impatients, n'ont pas toujours mesuré exactement la puissance de l'adversaire, de cette société bourgeoise qu'ils se proposaient d'abattre. Ils se veulent radicaux, contre les demi-mesures. Leurs adversaires les accuseront d'avoir un faible pour la « gesticulation révolutionnaire ».

Au congrès de fondation du K.P.D., la majorité des spartakistes décide de ne pas participer aux élections générales de janvier 1919 et n'a que méfiance envers les syndicats, dont les dirigeants se sont alignés sur les positions de la direction social-démocrate. Le mot d'ordre des spartakistes demeure : « Tout le pouvoir aux conseils d'ouvriers et de soldats », même si ceux-ci sont dominés momentanément par la social-démocratie majoritaire.

On discute beaucoup aujourd'hui de l'importance réelle des spartakistes. Le mouvement, qui s'est constitué dans les conditions très difficiles de l'état de siège et dont les dirigeants ont passé une bonne partie des quatre années de guerre en prison, demeure clandestin et ne regroupe, jusqu'en novembre 1918, que quelques milliers de militants. À partir de la révolution, son audience s'accroît vite. À Berlin et dans quelques centres industriels (Saxe, Ruhr), il réussit à entraîner sur ses mots d'ordre des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers de manifestants, ouvriers pour la plupart. Mais le temps lui a manqué pour développer son implantation, consolider son organisation, diffuser sa presse.

Révolution spartakiste, Allemagne, 1919 - crédits : Central Press/ Getty Images

Révolution spartakiste, Allemagne, 1919

À Berlin, au début de janvier 1919, le gouvernement social-démocrate (Ebert et Scheidemann) a utilisé une manifestation de rues et l'occupation de plusieurs bâtiments publics comme prétexte à une répression brutale (Semaine sanglante), dirigée par Gustav Noske, et dont l'objectif était bien d'« écraser Spartakus ». C'est au cours de cette répression que Rosa Luxemburg et Liebknecht sont assassinés (15 janvier). Dès lors, les spartakistes sont traqués, leur journal interdit. Pendant toute l'année 1919, ils sont réduits à une clandestinité quasi totale. En même temps, des dissensions internes les divisent et les affaiblissent. Les éléments gauchistes, anarcho-syndicalistes quittent le parti ou en sont exclus (près de la moitié des adhérents) et fondent à Berlin le K.A.P.D. qui cesse d'avoir un quelconque poids politique dès la fin de 1921.

Dès la révolution d'Octobre, les spartakistes avaient noué des liens avec les bolcheviks dont ils exaltaient l'exemple (même si certains d'entre eux, Rosa Luxemburg par exemple, faisaient des réserves sur telle ou telle décision prise par Lénine et Trotski). En 1916, ils étaient d'accord avec les bolcheviks pour la fondation d'une nouvelle Internationale. Pourtant, au congrès de fondation de la IIIe Internationale en 1919, le délégué spartakiste s'abstient : il pense, en effet, qu'il faut attendre que des partis communistes puissants se soient constitués dans plusieurs pays.

En France, le spartakisme a connu un regain d'intérêt après mai 1968 ; l'ardeur, l'abnégation, les conceptions[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : chargé d'enseignement à l'université de Paris-VIII

Classification

Médias

Rosa Luxemburg - crédits : Henry Guttmann/ Getty Images

Rosa Luxemburg

Révolution spartakiste, Allemagne, 1919 - crédits : Central Press/ Getty Images

Révolution spartakiste, Allemagne, 1919

Autres références

  • ALLEMAGNE (Histoire) - Allemagne moderne et contemporaine

    • Écrit par et
    • 26 883 mots
    • 39 médias
    ...guerre meurtrière, l'apparition des restrictions et la hausse des prix font sentir leurs conséquences. Une scission se crée au sein du parti socialiste, et le Spartakusbund, fondé en mars 1916, se prononce contre la continuation des hostilités. En 1917, l'échec de la guerre sous-marine et l'entrée en guerre...
  • COMMUNISME DANS LE MONDE JUSQU'À LA CHUTE DE L'URSS - (repères chronologiques)

    • Écrit par
    • 709 mots

    1848 Karl Marx et Friedrich Engels font paraître le Manifeste du parti communiste, dans lequel ils en appellent à une union internationale des travailleurs contre la bourgeoisie capitaliste.

    Septembre 1864 Création à Londres de la Ire Internationale, qui est dissoute dès 1876 au terme de nombreuses...

  • EBERT FRIEDRICH (1871-1925)

    • Écrit par
    • 441 mots
    • 1 média

    Bourrelier de son état, Ebert milite de bonne heure dans les rangs des syndicats et du Parti social-démocrate (S.P.D.), collabore au journal socialiste de Brême puis devient secrétaire du S.P.D. dans cette ville. En 1905, Ebert appartient à la direction nationale du S.P.D., où il est particulièrement...

  • FIGURE MODERNE DE SPARTACUS - (repères chronologiques)

    • Écrit par
    • 156 mots

    1850 Première de la pièce Toussaint-Louverture. Lamartine y utilise le personnage emblématique de Spartacus pour incarner la révolte des esclaves noirs des Antilles.

    1916 Publication par les Allemands Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg d'un journal d'extrême gauche intitulé Spartakus...

  • Afficher les 12 références