SPARTE
Thucydide prédisait déjà à la fin du ve siècle qu'il ne resterait rien de Sparte : « Supposons que Sparte soit dévastée et qu'il subsiste seulement les temples avec les fondations des édifices : après un long espace de temps, sa puissance soulèverait, je crois, par rapport à son renom, des doutes sérieux chez les générations futures [...]. Comme les Lacédémoniens ont une ville qui n'est pas centralisée, qui n'a pas de temples ni d'édifices somptueux, mais qui se compose de bourgades, comme c'était autrefois l'usage en Grèce, leur puissance apparaîtrait inférieure » (I, 10). De fait, à part les vestiges des temples d'Artémis Orthia et d'Athéna Chalcioicos, du théâtre et de quelques stèles ou ex-voto, il ne reste rien d'une ville qui a longtemps dominé la Grèce. C'est qu'elle n'a jamais possédé de monuments importants et n'a jamais participé à cette émulation qui entraînait les cités à se parer de riches édifices pour rivaliser entre elles.
La place de Sparte dans l'histoire de la Grèce antique est autre. Pour les Grecs, Sparte représente le modèle de la cité aristocratique, une cité donc où un corps civique particulièrement restreint domine une masse d'inférieurs et de dépendants. En fait, il s'agit plus d'une oligarchie que d'une aristocratie, puisque les citoyens portent le nom d'Égaux, ce qui n'exclut ni l'existence d'une aristocratie primitive antérieure à la constitution de ce corps d'Égaux, ni des survivances ultérieures de privilèges aristocratiques. Dans l'ensemble, cependant, un farouche esprit égalitaire règne dans la communauté, inculqué dès l'enfance, perpétué en période de paix au travers des pratiques toujours vivantes de la vie en commun, en temps de guerre par la rude discipline de l' hoplite qui impose à chacun d'avancer au combat du même pas que ses compagnons d'armes, sans rechercher l'exploit individuel. Ce qui caractérise d'abord Sparte, c'est donc la disproportion entre le nombre restreint (au reste toujours décroissant) des citoyens et la masse opprimée et exploitée par eux. D'où l'opposition sans cesse établie par les penseurs grecs entre une Sparte championne de l'oligarchie et une Athènes parangon de la démocratie, opposition qui se concrétise dans l'immense conflit où elles s'affrontent lors de la guerre du Péloponnèse.
Sparte se définit en outre par sa puissance d'expansion. Cette cité terrienne (une des rares cités grecques importantes sises loin de la mer) n'a guère cherché à s'enrichir par les échanges, sauf en de brèves périodes, et ce trait fondamental l'oppose également à une Athènes maritime entièrement tournée vers le négoce. Son corps de citoyens est aussi un corps de soldats, de soldats d'active, si l'on peut dire, et qui n'ont le droit de se livrer à aucune autre activité que le métier militaire. Dans un premier temps, Sparte réussit à asservir ses voisins les plus immédiats et à dominer la quasi-totalité du Péloponnèse. Puis elle s'enhardit, à la suite et à l'imitation d'Athènes, jusqu'à se créer un vaste empire et à tenter de soumettre la Grèce entière. Même déchue après sa défaite de Leuctres, elle ne cesse de réagir contre son déclin, de ranimer ses énergies défaillantes, et seule Rome sera capable de la briser définitivement.
Sparte offre enfin un immense intérêt sur le plan des comportements et des mentalités. Cette cité de guerriers s'est vouée à l'austérité, à la frugalité, à la discipline ; elle a créé un idéal de dévouement absolu de l'individu à la chose publique ; à la rhétorique elle a préféré le laconisme et l'apophtegme mémorable.
Ainsi s'explique son originalité au milieu des[...]
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Écrit par
- Pierre LÉVÊQUE : professeur émérite de l'université de Franche-Comté
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