SPECTACULAIRE SECOND EMPIRE 1852-1870 (exposition)
À travers une exposition foisonnante et sous un titre clairement inspiré par le situationnisme, le musée d’Orsay a proposé, à l’occasion de ses trente ans, du 27 septembre 2016 au 15 janvier 2017, une lecture renouvelée du second Empire, « qui marque le basculement de notre monde dans la société du spectacle »(Guy Cogeval). Tout au long d’un parcours à la fois très dense et remarquablement scénographié, peintures, sculptures, photographies, dessins d’architecture, meubles, objets d’art et bijoux, choisis avec un souci marqué de l’excellence, s’ordonnent autour de grands thèmes dictés par une approche autant sociologique qu’esthétique. Il faut se rappeler qu’en 1979, sept ans avant l’ouverture du musée d’Orsay, l’exposition L’Art en France sous le second Empire, présentée au Grand Palais, avait pu être ressentie comme une audace.
Fastes et célébrations
Le second Empire a en effet mauvaise réputation : la défaite de 1870 contre la Prusse, qui ouvre les grands conflits du xxe siècle, y est sans doute pour beaucoup, de même que la dénonciation par Victor Hugo en exil du coup d’État de « Napoléon le Petit » dans Les Châtiments ou la description par Zola, dans LesRougon-Macquart, d’une société corrompue par les divertissements, les vices et l’argent. Or il faut reconnaître que le second Empire fut une période de prospérité et, au moins dans les années 1850-1860, de grande stabilité, propice aux avancées sociales : ainsi, à partir de 1863, des efforts de Victor Duruy pour instaurer une instruction gratuite et obligatoire. La « fête impériale », avec son cortège de célébrations politiques, militaires (les victoires remportées en Crimée, 1856, en Italie, 1859), économiques, religieuses et artistiques, semble la marque d’un temps de progrès, de richesse et d’euphorie, préparant la « France moderne », plutôt que le présage d’une catastrophe.
L’art constitue un élément essentiel de la mise en scène du pouvoir. Les événements dynastiques, tels le mariage des souverains (1853) puis le baptême du prince impérial (1856), célébrés à Notre-Dame de Paris, sont autant d’occasions de susciter l’adhésion des Français à un régime encore fragile et qui se veut digne du premier Empire. Dessiné par Baltard, le somptueux berceau du petit prince (1856, musée Carnavalet), chef-d’œuvre des arts décoratifs, est offert par la Ville de Paris en vertu d’un usage immémorial. L’installation des souverains dans les anciennes demeures des rois (Tuileries, Fontainebleau, Saint-Cloud, Compiègne...) et la poursuite des travaux du Louvre s’inscrivent dans la tradition napoléonienne et manifestent l’attachement de Napoléon III à la continuité monarchique. Le même souci se devine dans l’admiration de l’impératrice Eugénie pour la reine Marie-Antoinette et l’imitation de son goût, à l’origine du style « Louis XVI-Impératrice » qui s’impose aux meilleurs ébénistes (Fourdinois) comme aux fournisseurs des intérieurs bourgeois. Les fêtes de la cour impériale, jeune et brillante, font revivre les fastes de la monarchie française et éblouissent l’Europe.
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Écrit par
- Robert FOHR : historien de l'art
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Médias