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SPÉCULATION

La spéculation a changé de nature et de dimension avec le globalisation financière

La prédiction de Keynes semble être vérifiée. Depuis les années 1970, le poids de la finance dans l'économie mondiale n'a cessé de croître à la suite des politiques de libéralisation financière. Et la spéculation sur les marchés a pris une nouvelle dimension. Très révélateur est le cas du marché des changes, sur lequel les monnaies sont échangées les unes contre les autres. Ce marché planétaire est le symbole de la globalisation financière. La taille du marché des changes n'a cessé d'augmenter, à un rythme beaucoup plus rapide que les échanges internationaux. En effet, le ratio du volume des transactions sur ce marché par rapport au commerce mondial sur les biens et services est passé de 2 pour 1 en 1973, à 10 pour 1 en 1980 et à 100 pour 1 en 2010. Ce constat amène à la conclusion suivante : l'essentiel des opérations sur les monnaies est déconnecté des échanges commerciaux et se trouve être la contrepartie d'opérations purement financières, dont une grande partie relève de la spéculation. L'année 1973, point de départ de cette explosion de la taille du marché des changes, correspond précisément à l'abandon du régime de changes fixes de Bretton Woods et à l'avènement du flottement généralisé des monnaies, marqué par une forte instabilité des monnaies sous l'effet des mouvements de capitaux spéculatifs. Les crises de change se multiplient, à la suite d'attaques spéculatives sur les monnaies, dans les pays émergents et les pays plus avancés (cf. crises financières). Il existe de nombreux exemples du rôle central et déstabilisant de la spéculation depuis les années 1990. Le plus célèbre d'entre eux est l'attaque spéculative menée avec succès par George Soros contre la livre sterling le 16 septembre 1992. Ce dernier a décidé de vendre à découvert 10 milliards de dollars en livre sterling. Cette prise de position spéculative sur la baisse de la livre sterling se fondait sur un par : selon Soros, les autorités britanniques n'étaient pas prêtes à défendre leur monnaie en montant leurs taux d'intérêt afin de maintenir la livre dans le système monétaire européen (S.M.E.). Des élections approchaient au Royaume-Uni et la hausse des taux d'intérêt aurait eu un coût économique et politique important. L'attaque de Soros s'est révélée autoréalisatrice : la livre sterling a été dévaluée et a dû abandonner le S.M.E. Soros a gagné 1,1 milliard de dollars à l'occasion de son attaque spéculative.

La spéculation se porte sur de nombreux marchés. Ainsi en est-il des produits alimentaires. Chaque année, les opérateurs financiers échangent 50 fois la production annuelle mondiale de blé en utilisant des instruments financiers sophistiqués (produits dérivés). Des travaux de l'O.N.U. ont conclu que la spéculation financière a un impact sur la volatilité des prix des produits alimentaires et aurait contribué à la flambée des prix alimentaires en 2008-2009, provoquant une vague d'émeutes de la faim. Cela a amené le G20 à faire du contrôle des prix agricoles et de la spéculation une de ses priorités.

La puissance de feu de la spéculation vient en grande partie des nouveaux instruments financiers utilisés par les opérateurs, lesquels permettent à ces derniers de faire jouer des effets de levier importants. On sait ainsi que les fonds spéculatifs (hedge funds) ont utilisé massivement les fameux credit default swaps (C.D.S.) pour se livrer avec succès à partir de 2009 à des attaques spéculatives contre les dettes souveraines des pays européens (Grèce, Irlande, Espagne), obligeant ces derniers à payer des taux d'intérêt élevés à leurs créanciers.

Puisque la spéculation a pris une telle importance, la question de la régulation[...]

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  • : professeur émérite d'économie, université Sorbonne Paris nord

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