SPIN ou MOMENT CINÉTIQUE ou ANGULAIRE INTRINSÈQUE
Spin et rotations
Commençons par insister sur le fait que le spin d'un quanton doit être dégagé des représentations cinématiques classiques, et ne saurait être conçu comme lié à un mouvement de rotation propre au sens usuel du terme. D'ailleurs, il est clair qu'un corps de masse m et de rayon caractéristique R, puisque les vitesses linéaires sont bornées par la vitesse limite c, ne saurait prendre un moment angulaire intrinsèque supérieur à Jmax ≃ mRc. En inversant ce raisonnement, on voit que l'existence d'un spin S de l'ordre de ℏ conduirait à attribuer à un quanton un rayon au moins égal à R ≃ ℏ/mc, comparable à sa longueur Compton λ. Le cas de l'électron, pour lequel λ ≃ 3.10-13 m, alors que l'électron n'a certainement pas de structure dynamique à une échelle supérieure à 10-18 m, montre bien la nécessité de concevoir la notion de spin, et celle de rayon, en des termes spécifiquement quantiques, nécessairement plus abstraits.
La théorie quantique opère la synthèse des concepts qui, classiquement, sont liés d'une part à la physique des particules (par la mécanique) et d'autre part à celle des ondes (par la théorie des champs). À tout groupe de transformations géométriques (translations, rotations, etc.) laissant invariantes les lois physiques correspond une loi de conservation. La théorie quantique identifie alors, par l'entremise de la constante quantique ℏ, la grandeur conservée selon le concept mécanique et la périodicité d'un phénomène harmonique selon le concept ondulatoire. S'introduisent ainsi, en conséquence de l'invariance par translation de temps et d'espace respectivement, les relations suivantes (avec E : énergie et p : quantité de mouvement) :
où ω = 2π/T et k = 2π/λ sont des taux d'harmonicité correspondant aux périodes temporelle T et spatiale λ, qui est la longueur d'onde. On écrit aussi traditionnellement E = hν et p = h/λ.De même, l'invariance par rotation spatiale implique tout naturellement la relation analogue pour une composante J du moment angulaire J = ℏm, où m = 2π/α est un taux d'harmonicité angulaire lié à la période angulaire α. Une telle période angulaire est a priori un sous-multiple de 2π, de sorte que 2π/α, soit m, est un nombre entier. On comprend ainsi la quantification des composantes du moment angulaire, en unité ℏ. Cependant, contrairement à l'intuition immédiate, c'est un double tour, et non un simple, qui dans les conditions les plus générales est requis pour ramener un objet à sa situation initiale. Cette propriété profonde du groupe des rotations peut s'exprimer de façon savante en disant que « le revêtement universel du groupe des rotations SO(3, R) est le groupe unitaire SU(2, C) et que l'homomorphisme correspondant est bivalué ». Pour des objets et des concepts strictement géométriques cependant, leur inscription spatiale les oblige à revenir à leur état initial après un simple tour. C'est pourquoi les moments angulaires orbitaux, qui caractérisent des mouvements dans l'espace ordinaire, obéissent bien à la règle ci-dessus et sont donc des entiers, en unité ℏ.
Mais le spin, traduisant une propriété intrinsèque des quantons et n'étant pas lié à leurs déplacements spatiaux, n'est pas assujetti à cette restriction, et ne relève que de la règle la plus générale, celle du double tour. Dans ce cas, la période angulaire ne doit être qu'un sous-multiple d'un double tour complet, soit α = 4π/N, où N est entier. Il en résulte que, pour l'harmonicité m associée à un spin, on doit avoir : m = 2π/α = N/2. La composante S d'un spin peut donc prendre, comme annoncé, des valeurs aussi bien demi-entières qu'entières.
Pour le reste,[...]
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Écrit par
- Jean-Marc LÉVY-LEBLOND : professeur émérite à l'université de Nice
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