SPIN ou MOMENT CINÉTIQUE ou ANGULAIRE INTRINSÈQUE
Spin et interactions électromagnétiques
Les degrés de libertés internes que donne à un quanton son spin lui confèrent une complexité structurale d'autant plus grande que ce spin est élevé. On conçoit donc qu'un quanton possède des propriétés électromagnétiques plus ou moins riches selon la valeur de son spin. On montre qu'un quanton de spin s possède des moments électriques et magnétiques jusqu'à l'ordre 2 s. L'invariance par réflexion d'espace (parité) entraîne de plus que les moments électriques sont nécessairement d'ordre pair : monopôle (charge électrique), quadrupôle, etc., et les moments magnétiques d'ordre impair : dipôle (moment magnétique), octopôle, etc. Ainsi, un quanton de spin 1/2 peut-il porter une charge et un moment magnétique, alors qu'un quanton de spin 1 peut, de plus, présenter un moment quadrupolaire électrique ? Limitons-nous au cas le plus simple et, de toute façon, de plus grand intérêt, puisque c'est celui des électrons, des nucléons, etc., qui sont caractérisés par leur seul moment magnétique M, colinéaire au spin S, dont la valeur est souvent écrite μ = γs, où γ est le « rapport gyromagnétique » ; le rapport gyromagnétique d'un quarton est γ = gq/2m. Cette formule est calquée sur celle de la physique classique : γclass. = q/2m, où q et m sont respectivement la charge et la masse du corps chargé en rotation.
Dans le cas d'un quanton assujetti aux seules interactions électromagnétiques, son moment magnétique peut être calculé à partir de son équation d'onde, où le champ magnétique est introduit par le procédé de couplage minimal (ou invariance de jauge). C'est ainsi que Dirac put démontrer qu'un quanton de spin 1/2 possède un moment magnétique μ1/2 = qℏ/2m, puisque son spin vaut s = 1/2, soit un rapport gyromagnétique « anormal » γ1/2 = q/m (g1/2 = 2). De façon plus générale, pour des spins plus élevés, et malgré certaines difficultés non résolues de la théorie des équations d'onde dès que le spin s est supérieur à 1, il semble que le moment magnétique intrinsèque prenne toujours la valeur μs = qℏ/2m ; ce qui implique un rapport gyromagnétique γs = (1/s)(q/2m), soit un coefficient gs = 1/s. Ce résultat contraste, par sa simplicité, avec la complexité des calculs qui y conduisent. Cela est d'autant plus vrai que le même résultat peut être obtenu dans des théories relativistes galiléennes, et non einsteiniennes. On peut donc penser qu'il existe une approche plus directe, caractérisant sans doute le couplage électromagnétique d'une façon essentiellement géométrique, et qui reste à découvrir. Les résultats, par ailleurs, ne valent qu'en première approximation et doivent être corrigés si l'on tient compte des « corrections radiatives », c'est-à-dire si l'on traite le champ électromagnétique lui-même de façon quantique. Ce fut l'un des premiers succès de l'électrodynamique quantique (R. Feynman, J. Schwinger, S. Tomonaga, 1946) que de calculer la correction du premier ordre au moment magnétique d'un quanton de spin 1/2, à savoir :
où α = q2/ℏc est la constante de couplage électromagnétique. On a, depuis lors, calculé les corrections aux ordres suivants, et l'accord excellent entre la théorie et l'expérience dans les expériences dites « g − 2 » est l'un des grands succès de l'électrodynamique quantique.L'existence d'un moment magnétique de l'électron a de nombreuses conséquences physiques, tant sur le spectre des atomes (avec la structure fine, la structure hyperfine, l'effet Zeeman, etc.), que sur le comportement des atomes dans un champ magnétique. Ainsi faut-il citer, pour son importance historique, l'expérience de Stern et Gerlach en 1922. Le[...]
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Écrit par
- Jean-Marc LÉVY-LEBLOND : professeur émérite à l'université de Nice
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