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SPIRITISME

Le mesmérisme, qui, à la fin du xviiie siècle, avait passionné l'opinion, populaire ou scientifique, demeura un sujet d'intérêt jusqu'au milieu du xixe siècle. À Notre-Dame de Paris, Lacordaire attribuait encore le magnétisme animal à « un rayon de la puissance adamique destiné à confondre la raison humaine et à l'humilier devant Dieu ». Mais un renouvellement se manifeste, sous la forme de théories voisines : l'ouvrage de l'Allemand Justinus Kerner, La Voyante de Prevorst (1830), qui relate en détail les rapports innombrables de Frederique Hauffe avec les esprits des morts, marque assez bien la transition entre l'époque des magnétiseurs et celle des spirites.

C'est en 1847, à Hydesville aux États-Unis, qu'est conçu le spiritisme, le jour où les sœurs Fox prétendent avoir conversé avec un fantôme en utilisant des claquements de doigts en manière de code. Bien qu'elles aient été plus tard convaincues de supercherie, cette pratique connut aussitôt une vogue extraordinaire, le code des sœurs Fox étant remplacé généralement par la pratique des « tables tournantes ». En 1852, cet engouement gagne l'Europe : s'il fut conçu aux États-Unis, le spiritisme naquit en France lorsque H. L. Rivail, dit Allan Kardec, élabora un corps de doctrine à partir des faits observés. En 1857 paraît Le Livre des esprits, suivi, en 1858, par le premier numéro de la Revue spirite.

Selon Kardec, l'homme est formé de trois principes qui coexistent pendant la vie mais se dissocient à la mort : le corps matériel, qui périt ; l'âme (principe immortel participant de la nature divine), qui tente à la mort de se dégager de la matière, car cette âme reste pour un temps prisonnière d'un troisième principe, le périsprit. Celui-ci est une enveloppe fluidique qui peut devenir visible dans certains cas et même se manifester tangiblement en laissant des traces ou en déplaçant des objets. Le périsprit constitue le lien entre l'esprit et la matière pendant la vie du corps. Ainsi les fantômes, les esprits des morts, qui nous apparaissent fluidiquement ou par le truchement de certains phénomènes matériels, sont des âmes non encore dégagées du périsprit. Cette idée diffère notablement des théories occultistes, selon lesquelles l'esprit rendu tangible est une mémoire inconsciente et consciente formant un corps astral.

Le spiritisme, qui a tenu de grands congrès (notamment à Paris, 1889 et 1900 ; à Londres, 1922), compte de très nombreux adeptes déclarés et des millions de sympathisants. Il est à remarquer que les premiers de ces adeptes, en France, se recrutèrent parmi les socialistes de 1848 et que la plupart de leurs écrits sont de tendance démocratique. Plusieurs noms jalonnent l'histoire de cette nouvelle révélation : la médium Eusapia Palladino (1854-1918), qui étonna le médecin Lombroso (1835-1909) ; Victor Hugo lui-même, converti au spiritisme par Mme de Girardin, pendant son séjour à Jersey (les messages des morts qui s'adressaient au grand poète donnèrent lieu à une littérature abondante) ; sir Arthur Conan Doyle, le père de Sherlock Holmes qui, en 1916, étonna ses compatriotes par un article dans Light (il se déclarait spirite convaincu et ne cessa, dès lors, de militer pour cette cause, où il retrouvait le goût du mystère et du problème à résoudre) ; Charles Henry, savant réputé, auteur de L'Homme après la mort, vie et survie(1926), qui développa, comme tant de philosophes de la nature, l'idée de polarité et voulut donner au spiritisme des fondements solides ; Katie King, fantôme délicieusement vaporeux, qui a promené dans les salons fin de siècle un parfum romantique par lequel fut séduit l'académicien britannique William Crookes (1832-1919) : ayant bénéficié des apparitions de la belle Katie, il développa sur le spiritisme et la télépathie[...]

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  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section), professeur à l'université de Bordeaux-III

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