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SPOLIATION DES ŒUVRES D'ART, France (1940-1944)

Des ébauches de solution

La quête de quatre années qui conduira les Alliés, puis les Allemands eux-mêmes, tous grandement aidés par Rose Valland, jusqu'à la fin de 1949, à localiser les œuvres, à se les faire remettre et à en identifier les provenances aboutira à la réexpédition vers la France de plus de 60 000 pièces. Sur la base de ses recherches et investigations propres, suscitant et collectant 2 290 dossiers de demandes de restitution, déposant des plaintes et provoquant des enquêtes diligentées par plusieurs juges d'instruction aidés par un groupe de policiers qui interrogea tout le marché de l'art parisien, la Commission de récupération artistique parvint, de l'automne de 1944 à 1949, à restituer plus de 45 000 œuvres. Parallèlement, diffusé au niveau international, le Répertoire des biens spoliés signalait les milliers d'œuvres réclamées qui n'avaient pas été retrouvées.

L'essentiel du travail de « remise en place » était terminé ; les mesures financières de réparations et d'indemnisations, introduites ultérieurement par des dispositifs législatifs allemands, parachevaient l'édifice.

La résurgence de souvenirs, le besoin de comprendre et de parler, les curiosités les plus diverses (celles des jeunes générations, celles des historiens), l'accessibilité et l'intelligibilité des archives, l'œuvre du temps... tout converge pour qu'à l'établissement des faits corresponde l'énoncé des responsabilités individuelles et collectives. Il n'en demeure pas moins qu'une différence majeure existe entre les biens immatériels que sont les fonds, les comptes et les contrats et les œuvres d'art ; ces dernières sont certes destinées à la délectation de l'esprit mais elles sont aussi soumises à un système qui les fait vivre : le marché de l'art.

On comprend seulement aujourd'hui à quel point il était inévitable, après un tel bouleversement et malgré les efforts accomplis pour tenter d'en réparer les effets, que des situations résiduelles, des cas ponctuels (si on pense à la masse des œuvres déplacées) réapparaissent aujourd'hui comme autant de faits ayant échappé aux règlements d'après guerre. Au-delà de la question des œuvres M.N.R., à propos desquelles la Mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France, installée par le Premier ministre en 1997 et présidée par Jean Mattéoli, aura à proposer, cas par cas, des solutions pour leur avenir, il y a évidemment d'autres œuvres dont le sort n'est pas réglé, mais combien ? Elles se trouvent dans des musées où elles semblent repérables, sur le marché de l'art ou chez des collectionneurs où elles le sont moins. La loi, le droit auront à dire si, aux crimes contre l'humanité perpétrés contre des personnes et qui sont imprescriptibles, on doit assimiler les forfaits commis sur les biens, forfaits qui accompagnèrent ces crimes. Ces objets doivent devenir des symboles, tout en restant des œuvres, mais il faut éviter d'en faire des allégories. En tout état de cause, et comme pour les autres aspects des persécutions, il n'y aura pas de retour à un statu quo ante. Il conviendra de ne pas oublier que les musées, et même les musées d'art, sont des lieux de mémoire du génie, comme des souffrances, de l'humanité et que l'évocation des crimes nazis trouve plus pédagogiquement sa place sur les cimaises de nos musées que sous le marteau des commissaires-priseurs, auxquels on voit des descendants de victimes de spoliations confier les œuvres restituées.

— Didier SCHULMANN

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  • : conservateur en chef du Patrimoine, conservateur au centre Georges Pompidou, chargé de la documentation de la collection du musée national d'art moderne

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