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SPORT L'année 2010

Football : les certitudes de l'Espagne

Talent, technique, maîtrise, ambition, patience, maturité : l'Espagne, favorite de l'épreuve, possédait tous les atouts pour réparer une anomalie de l'histoire du football et remporter enfin la Coupe du monde. Son succès, qui intervient deux ans après sa victoire dans l'Euro, a ravi la plupart des amoureux du ballon rond, même si le jeu proposé par la Roja n'a pas totalement séduit, ce qui se traduit par un paradoxe que les statistiques mettent en lumière. D'un côté, rarement une équipe n'a autant dominé ses adversaires, grâce à un jeu de passes (543 passes par match, dont 80 p. 100 réussies) et de mouvement ; de l'autre, jamais un vainqueur n'a fait preuve d'une telle inefficacité (121 tirs, mais seulement 46 tirs cadrés ; 8 buts en 7 matchs) : la Roja, avec ses huit buts, est de loin le champion du monde le moins prolifique de l'histoire (le précédent « record » était détenu par l'Italie [1938], l'Angleterre [1966] et le Brésil [1994], avec 11 buts). En 2008, durant l'Euro, l'Espagne présentait le même visage séduisant, mais elle s'était montrée plus réaliste (12 buts en 6 matchs). La grande force de l'Espagne fut de s'appuyer sur ses certitudes, acquises grâce à l'accumulation des succès (avant le début de la Coupe du monde, elle affichait 43 victoires, 4 matchs nuls et 1 seule défaite en 48 matchs depuis le début de 2007) ; ainsi, elle put garder confiance en elle et ne pas remettre en cause sa stratégie malgré un inattendu revers lors du premier match face à la Suisse (0-1) ; elle ne paniqua jamais, sut se montrer patiente (à partir des huitièmes de finale, elle remporta tous ses matchs, face au Portugal, au Paraguay, à l'Allemagne et aux Pays-Bas, sur le score étriqué de 1 but à 0, et ne parvint jamais à inscrire ce but libérateur avant l'heure de jeu). Ses certitudes permirent aussi à l'Espagne de pallier certaines défaillances individuelles (Fernando Torres, hors de forme à la suite d'une blessure ; David Villa, discret à partir des quarts de finale), d'incorporer de nouveaux joueurs (Gerard Piqué, Sergio Busquets, Pedro León), de faire appel à des remplaçants de luxe (Cesc Fabregas, Jesus Navas), tous ceux-ci se mettant brillamment et sans états d'âme au service du collectif. La Roja s'appuie aussi depuis plusieurs années sur les principes qui font la richesse du F.C. Barcelone. Paradoxalement, ce style de jeu – le « football total » issu de l'Ajax Amsterdam des années 1970, mâtiné de technique individuelle, tourné vers l'offensive – qui permit à l'Espagne de battre les Pays-Bas en finale fut imposé dans les années 1990 par Johan Cruijff, le plus célèbre footballeur néerlandais, alors entraîneur du Barça. Par ailleurs, cette équipe est encore jeune (26 ans et 4 mois de moyenne d'âge) et pourrait donc dominer son sujet pendant des années.

Malheureusement, si on excepte l'Allemagne dont la pétillante équipe proposa un jeu vif et efficace, toutes les formations ont livré un pauvre spectacle : défenses renforcées, rôle accru du milieu de terrain, contre-attaques timides furent la norme. Le nombre de buts connaît une chute continue depuis 1994 : 145 buts ont été inscrits, soit 2,27 buts par match ; seule la triste édition italienne de 1990 (2,21 buts par match) fut moins prolifique. Plusieurs grandes nations de football ont particulièrement déçu : l'Italie vieillissante n'a pas passé le premier tour ; l'Angleterre fut humiliée en huitième de finale par l'Allemagne (4-1) ; l'Argentine explosa face à la même Allemagne en quart de finale (4-0) ; le Brésil, dont le football restrictif prôné par Dunga déplaisait aux cariocas, fut surpris par les Pays-Bas (2-1) au même stade de la compétition. Quant aux équipes africaines, toutes[...]

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Écrit par

  • : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs

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