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SPORT L'année 2010

Rugby : du Grand Chelem au néant

Pour les cent ans du Tournoi, le XV de France, faisant en quelque sorte un pied-de-nez aux Britanniques, a réussi le Grand Chelem. Cette performance garantissait-elle pour autant des lendemains qui chantent, notamment dans la perspective de la Coupe du monde 2011 en Nouvelle-Zélande ? L'histoire très récente du Tournoi force à constater que faire fructifier un Grand Chelem n'est guère chose facile : les Gallois (2008), puis les Irlandais (2009) avaient eux aussi réussi le Grand Chelem, avant de retomber dans une certaine médiocrité. Le cas de la France semblait différent, car le réservoir de joueurs dans lequel Marc Lièvremont, le sélectionneur, peut puiser est beaucoup plus profond, et ce triomphe aurait donc pu servir de socle dans la perspective des rudes défis qui attendent les Tricolores en territoire néo-zélandais. En effet, Thierry Dusautoir s'imposait comme un capitaine discret mais exigeant, Morgan Parra s'affirmait au poste de demi de mêlée et se révélait un buteur efficace, la mêlée fermée avait torturé toutes ses rivales, la défense avait donné des gages de rigueur...

Néanmoins, le projet de jeu semblait assez flou, tant les cinq victoires s'étaient construites de manière différente : un succès étriqué contre l'Écosse (18-9) précéda une victoire aboutie face à l'Irlande (33-10) ; à Cardiff, contre le pays de Galles, une avance plus que confortable acquise à la mi-temps, sur des interceptions, grâce à deux essais à « zéro passe » (20-0), se trouva quasi dilapidée en seconde période (26-20) ; enfin, si la très faible prestation italienne ne permit de tirer aucun enseignement d'une large victoire (46-20), la dernière levée du Grand Chelem, face à l'Angleterre (12-10), fut obtenue en proposant un rugby plus que restrictif imposé par l'enjeu, les conditions atmosphériques (forte pluie) et la qualité de l'opposition. Mais certains observateurs avançaient que la marque des grandes équipes est précisément de savoir adapter leur rugby en fonction des circonstances et de l'opposition.

Une tournée d'été totalement ratée (défaites face à l'Afrique du Sud, 42-17, et à l'Argentine, 41-12), puis, surtout, une incroyable leçon donnée par les Australiens (59-16) le 27 novembre au Stade de France, et tout s'écroulait. À moins d'un an de la Coupe du monde, le XV de France semblait tombé dans le néant.

— Pierre LAGRUE

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Écrit par

  • : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs

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