SPORT L'année 2007
Cyclisme : un sport en danger de mort ?
Une nouvelle fois, à l'occasion du Tour de France, on a plus parlé de dopage que de sport, et la victoire du jeune Espagnol Alberto Contador relève dans ce contexte de l'anecdote. Même si la mentalité de nombreux coureurs semble évoluer dans le bon sens, le cyclisme professionnel se trouve aujourd'hui en danger de mort. En effet, au-delà de cette question du dopage, récurrente depuis dix ans sur la Grande Boucle, les différends profonds entre les organisateurs du Tour (Amaury Sport Organisation, A.S.O.) et l'Union cycliste internationale (U.C.I.), dont le président Pat McQuaid fait l'objet de nombreuses critiques, pourraient à terme entraîner la mort du cyclisme professionnel. Les équipes elles-mêmes sont divisées. Ces conflits d'intérêt ont eu pour effet direct de retarder l'efficacité de la lutte antidopage. À l'issue du Tour 2006, tout le monde semblait vouloir aller dans le même sens pour sauver le cyclisme, la mesure clé de cet engagement étant la création d'un « code éthique », paraphé par les managers d'équipe, qui s'engageaient à ne pas faire courir un coureur cité dans l'affaire Puerto ou soupçonné de dopage. Une volonté mise à mal dès l'hiver, quand la Discovery Channel recruta l'Italien Ivan Basso... qu'elle licencia quelques mois plus tard pour dopage avéré.
Néanmoins, avant le mois de juillet, l'U.C.I. et A.S.O., au-delà de leurs querelles, semblaient prêcher l'union sacrée contre le dopage. Les 189 coureurs avaient, bon gré mal gré, paraphé le « code éthique » – qui n'a malheureusement aucune valeur juridique – exigé par la direction du Tour pour être autorisés à prendre le départ. Si les cas de dopages avérés sur le Tour 2007, dont celui du Kazakh Alexandre Vinokourov, ne viennent que confirmer des pratiques connues, l'affaire Rasmussen, qui a gravement perturbé l'épreuve, a clairement montré que l'« union sacrée » U.C.I.-A.S.O. n'était qu'un trompe-l'œil. Le Danois avait en effet reçu un avertissement de la part de l'U.C.I. pour s'être soustrait à un contrôle antidopage inopiné le 28 juin, moins de dix jours avant le début du Tour. Or l'article 220 du règlement de l'U.C.I. indique qu'un avertissement reçu par un coureur dans les 45 jours précédant une compétition suffit pour lui en interdire le départ. Mais l'article 86 du même règlement précise que trois avertissements en dix-huit mois pour la même faute impliquent cette sanction. En vertu de l'article 220, le Danois n'aurait pas dû prendre le départ à Londres. Mais l'U.C.I. a privilégié son article 86, Pat McQuaid n'hésitant pas à déclarer que l'article 220 était trop sévère ! Dans ce cas, pourquoi « sortir » l'affaire Rasmussen quand celui-ci est un solide maillot jaune, quasi certain de remporter l'épreuve ? Patrice Clerc, président d'A.S.O., n'a pas hésité à accuser l'U.C.I. d'orchestrer une campagne de démolition du Tour. Le divorce entre l'U.C.I. est alors consommé. Il se voit confirmé lors de la présentation à la presse du parcours du Tour 2008, le 25 octobre 2007 : « Aucun coureur, aucune équipe n'a aujourd'hui la garantie de faire partie du Tour de France 2008 », déclare Patrice Clerc, confirmant qu'il ne se soumettrait pas à la décision de l'U.C.I., prise en septembre, qui l'obligeait à accepter toutes les équipes du Pro Tour.
Le Tour s'en relèvera-t-il ? Sûrement, son histoire est jalonnée de crises, son statut en fait un élément du patrimoine sportif français et international. Mais il semble acquis que le Tour fera sécession. Les organisateurs ont décidé de s'affranchir de l'U.C.I., pour être libres de choisir les équipes au départ, de se rapprocher[...]
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Écrit par
- Pierre LAGRUE : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs
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