SPORT L'année 2008
Football : les leçons de l'Euro 2008
L' Espagne a remporté en toute logique l'Euro 2008 – organisé du 7 au 29 juin 2008 par l'Autriche et la Suisse –, réparant ainsi une sorte d'erreur de l'histoire de football. En effet, alors que ses clubs multiplient les succès dans les différentes Coupes d'Europe (18 victoires depuis 1956), l'équipe nationale n'avait jusque-là remporté qu'un seul titre : la deuxième édition du Championnat d'Europe des nations, en 1964, à domicile, à une époque où le tournoi final ne réunissait que quatre pays. En outre, alors que les équipes nationales espagnoles de jeunes brillent depuis trente ans (15 titres dans un tournoi mondial ou européen !), les « grands », presque toujours présentés comme de solides outsiders sinon comme des favoris, échouaient régulièrement au moment clé. Le sélectionneur, Luis Aragonés, pourtant vilipendé par les médias espagnols après l'élimination de la Seleccion en huitièmes de finale de la Coupe du monde 2006 par les Bleus de Zinédine Zidane (3-1), décrié par la presse ibérique pour ses choix – il n'hésita pas à écarter Raúl, la star du Real Madrid –, connu pour ses écarts de langage, est devenu à soixante-dix ans une sorte de héros national. À l'issue de la finale, alors qu'il quittait son poste pour aller entraîner le club turc de Fenerbahçe, il déclara : « J'ai pris une sélection, je laisse une équipe. » Sa réussite tient là. Il a su fédérer ses joueurs autour d'un projet, les convaincre de laisser leurs egos au vestiaire, d'oublier les rivalités ancestrales Real-Barça... Et l'Espagne peut nourrir de grandes ambitions pour le futur. Sa stratégie est en place, ses joueurs vedettes sont encore jeunes : Fernando Torres est né en 1984, David Villa, en 1981, Xavi Hernández, en 1980, Francesc Fabregas, en 1987, Andrés Iniesta, en 1984, Sergio Ramos, en 1986, son expérimenté gardien de but Iker Casillas, en 1981...
En outre, tous les amateurs de ballon rond peuvent se réjouir du succès espagnol, ainsi que du déroulement de cet Euro. En effet, on a sans doute assisté à une inversion de tendance, qu'on peut espérer durable. En 2004, la Grèce avait remporté l'épreuve en ressuscitant un catenaccio (« verrou ») d'un autre âge, le marquage individuel et le jeu de contre. En 2006, l'Italie avait gagné la Coupe du monde grâce à une défense de fer et à un réalisme froid, en battant en finale l'équipe de France, qui fondait aussi son jeu sur la solidité défensive, à laquelle s'ajoutaient les traits de génie de son icône, Zinédine Zidane. La philosophie de la Seleccion s'avère tout autre. Certes, le réalisme qui permet le succès en est une des clés de voûte. Mais celui-ci s'appuie sur un jeu fondé sur l'offensive, le talent individuel, la perfection technique, l'attaque collective rapide.
Enfin, cette fois, la chance a souri aux audacieux. Les formations frileuses (France, Italie notamment) ont rapidement disparu de la compétition, alors que les équipes qui cherchaient plus à gagner un match qu'à ne pas le perdre ont été récompensées. Même si elle fut plus nettement dominée en finale que ne l'indique le score (1-0), l'Allemagne proposa un jeu dans la continuité de la Coupe du monde 2006, rapide, osé, vif... mais avec de lourdes carences défensives. La Russie, demi-finaliste, attaquait aussi à tout-va. La Turquie, autre demi-finaliste, sut renverser des situations plus que compromises en se jetant à corps perdu vers l'avant.
Sur le plan individuel, aucune star ne s'est affirmée lors de cet Euro – preuve s'il en fallait que le football demeure avant tout un sport collectif. Néanmoins, outre les Espagnols, de nombreux joueurs, souvent méconnus, ont brillé. Ainsi des Russes Andreï Archavine et Youri Zhirkov,[...]
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Écrit par
- Pierre LAGRUE : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs
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