SPORT L'année 2013
Cyclisme : cent Tours et des espoirs
Le Tour de France fêtait en 2013 sa centième édition. Celle-ci était conçue comme un grand spectacle, avec un départ inédit en Corse, un contre-la-montre se terminant au Mont-Saint-Michel, le passage par le Ventoux, les célèbres lacets de L’Alpe-d’Huez empruntés deux fois dans la même journée par le peloton, un final en semi-nocturne sur les Champs-Élysées, suivi d’une fête lumineuse à laquelle étaient conviés des dizaines d’anciens champions.
Sur le plan sportif, les chroniqueurs annonçaient un duel entre le Britannique Christopher Froome, deuxième en 2012 tout en respectant les consignes d’équipe qui voulaient qu’il se mette au service de son leader, Bradley Wiggins, et l’Espagnol Alberto Contador, de retour de suspension. Le duel n’a pas eu lieu : Christopher Froome affirma sa supériorité dès la première étape de montagne, se terminant au sommet d’Ax 3 Domaines, quand Alberto Contador affichait déjà ses limites. L’épreuve fut néanmoins belle. En effet, contrairement à Bradley Wiggins, qui se contentait de suivre les meilleurs en montagne et attendait les contre-la-montre pour creuser les écarts, Christopher Froome a construit son succès avec panache, attaquant ses rivaux dès qu’il en avait la possibilité : à Ax 3 Domaines, donc, mais aussi au Ventoux, et même – jusqu’à se mettre en danger alors que son avantage au classement général était confortable – à L’Alpe-d’Huez, où il fut victime d’une « fringale », puis au Semnoz, où il fut contré par le jeune Colombien Nairo Quintana. À plusieurs reprises, la course prit une tournure inédite depuis des années : le maillot jaune, Christopher Froome, abandonné par tous ses coéquipiers défaillants et livré à lui-même à 130 kilomètres de l’arrivée dans la grande étape pyrénéenne ; Alberto Contador et son équipe provoquant une « bordure » dans le vent vers Saint-Amand-Montrond pour reprendre du temps à Christopher Froome…
Bien sûr, la question du dopage mérite d’être évoquée, les performances de Christopher Froome provoquant la suspicion. Cette suspicion, Christopher Froome lui-même la jugeait légitime dans le contexte du moment : le palmarès du Tour s’était écrit à l’encre sympathique de 1999 à 2005, le nom du « vainqueur », Lance Armstrong, ayant disparu pour cause de dopage ; les aveux d’anciens champions se multipliaient… De plus, en France, la commission d’enquête mise en place par le Sénat pour juger de l’efficacité de la lutte antidopage en révélait… l’inefficacité. Elle indiquait que, selon les analyses effectuées a posteriori d’échantillons prélevés en 1998 et en 1999, elle avait la certitude que dix-sept coureurs étaient dopés à l’EPO, et elle en livrait curieusement les noms en pâture peu de temps avant le départ du Tour (les populaires Français Laurent Jalabert et Jacky Durand, Marco Pantani, Mario Cipollini, Jan Ullrich, Erik Zabel, Abraham Olano…), tout en soulignant que le même travail n’avait pas pu être entrepris pour d’autres sports que le cyclisme – le football notamment –, car les échantillons avaient été détruits à l’époque.
Pourquoi ferait-on confiance à Christopher Froome ? Plusieurs éléments vont dans ce sens. Tout d’abord et surtout, l’omerta sur le sujet n’a pas droit de cité dans sa formation, le Team Sky. Ainsi, David Walsh, coauteur du livre L.A. Confidentiel, qui révéla les mensonges de Lance Armstrong, fut autorisé à vivre durant neuf semaines en toute liberté avec les coureurs de l’équipe. Et il déclarait : « Les gens “idolisaient” Armstrong et se sont trompés sur lui. Aujourd’hui, ils accusent Froome et se trompent sur lui. » De la même manière, le Team Sky a fourni toutes les données biomécaniques concernant Froome enregistrées depuis deux ans au journal L’Équipe, lequel les a confiées[...]
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Écrit par
- Pierre LAGRUE : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs
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Médias