SPORT L'année 2013
Natation : continuités et ruptures
Les Championnats du monde de natation qui se déroulent les années postolympiques sont souvent atypiques : les nageurs couronnés aux Jeux éprouvent le besoin de souffler ; ceux qui ont échoué tentent de redorer leur blason. L’édition de 2013, à Barcelone, ne pouvait échapper à la règle, tout d’abord parce que l’Américain Michael Phelps, l’homme aux 18 médailles d’or olympiques et aux 26 titres mondiaux, avait quitté les bassins à l’issue des Jeux de Londres. Trouverait-il un héritier ? En fait, on lui a plutôt trouvé une héritière : Missy Franklin, qui repart d’Espagne avec 6 médailles d’or. À dix-huit ans, l’Américaine affiche déjà 4 médailles d’or olympiques et 9 titres mondiaux. On peut aussi citer la toute jeune Katie Ledecky, seize ans, américaine elle aussi : elle avait montré sa frimousse à Londres, en remportant le 800 mètres ; en s’adjugeant 4 médailles d’or (400 mètres, 800 mètres, 1 500 mètres, relais 4 fois 200 mètres), assorties de 2 records du monde, elle s’affirme comme la reine des longues distances.
Le bilan des médailles fait apparaître une continuité en trompe l’œil : comme à Londres et comme toujours, les États-Unis occupent la tête (13 médailles d’or, 29 médailles au total). Mais, sur le plan individuel, en plus de Missy Franklin et de Katie Ledecky, seul Matt Grevers, vainqueur du 100 mètres dos, a confirmé son titre olympique. Comme à Londres, la Chine est deuxième (5 médailles d’or, 9 médailles au total). Néanmoins, là aussi, on peut parler de rupture : Sun Yang, héros chinois de Londres, a certes remporté 3 médailles d’or ; mais – chose inédite dans l’Empire du Milieu – le nageur ne s’était pas privé de faire la une des magazines people, affichant sa liaison avec une hôtesse de l’air, exhibant ses revenus colossaux (14 millions d’euros annuels). Pis, il n’hésita pas à critiquer son entraîneur, Zhu Zhigen, ce qui lui valut d’être exclu de l’équipe nationale. Il fut néanmoins réintégré, car, sans sa présence, le bilan chinois s’annonçait maigre, notamment en raison de la méforme de la jeune Ye Shiwen, « supersonique » à Londres, retombée dans l’anonymat à Barcelone…
Troisième à Londres, l’équipe de France est de nouveau troisième à Barcelone. Elle présente même, avec 9 médailles, dont 4 en or, le meilleur bilan de son histoire aux Championnats du monde. Mais, là aussi, cette continuité dans l’excellence ne s’est pas faite sans ruptures spectaculaires et remises en cause certaines. Déjà, en mai, Yannick Agnel, double champion olympique, décidait avec fracas de quitter son entraîneur de toujours, Fabrice Pellerin, lui reprochant, notamment, son « manque de chaleur humaine ». À deux mois de la compétition, ce clash semblait synonyme d’échec à venir pour le nageur, qui en était conscient et assumait les conséquences de son choix. Moins d’un mois après cette rupture, il se jetait de nouveau à l’eau : il s’entraîne désormais aux États-Unis, sous les ordres de Bob Bowman, le coach de Michael Phelps. Yannick Agnel se présenta donc à Barcelone dans l’inconnu : loin de sa meilleure forme, à l’orgueil, il s’adjugea 2 médailles d’or. Les spécialistes en sont désormais quasi certains : Yannick Agnel se pose en héritier de Michael Phelps, et ce d’autant plus qu’il souhaite briller sur 100 mètres, ce que Phelps n’a jamais réussi à faire, comme sur 400 mètres, pour se mesurer à Sun Yang – bref, devenir le maître de la nage libre. Cette brouille, étalée dans les médias par Fabrice Pellerin juste avant le début des compétitions, a quand même fait une victime collatérale : Camille Muffat, elle aussi entraînée à Nice par Fabrice Pellerin, qui nageait le 400 mètres le premier jour des Championnats, a sombré (elle termine septième) ; la championne[...]
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Écrit par
- Pierre LAGRUE : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs
Classification
Médias