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SPORT L'année 2015

Handball : les maîtres bleus

Comparer les générations, hiérarchiser les succès est un exercice complexe et souvent bien inutile. Pourtant, en remportant leur cinquième titre mondial en vingt ans, les handballeurs français ont marqué l’histoire de leur sport – voire l’histoire du sport en général – comme personne. Pour s’en tenir au handball, même la Roumanie de Gheorghe Gruia, dominatrice dans les années 1960-1970, semble reléguée à des années-lumière. Pour le reste, disons que détenir conjointement les titres olympique, mondial et européen est un exploit rare : or les Bleus l’ont réalisé deux fois (périodes 2008-2011 et, donc, 2012-2015). Depuis 2006, les handballeurs français ont disputé dix finales d’un tournoi majeur, et ils les ont toutes remportées. Cette fois, leur victime en finale fut la curieuse équipe du Qatar – pays organisateur –, composée de joueurs naturalisés issus de Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, de Cuba et même de France, battue 25 buts à 22. En fait, si ce n’est les Espagnols, dominés 26 buts à 22 en demi-finale, les Français semblent ne plus avoir de rivaux à leur mesure.

Nikola et Luka Karabatic - crédits : Christina Pahnke/ sampics/ Corbis/ Corbis Sport/ Getty Images

Nikola et Luka Karabatic

Ceux qu’on nomme désormais les « Experts » allient maîtrise, savoir-faire, talent, stratégie, le tout dans un esprit d’équipe plus fondé sur la quête du triomphe que sur une feinte amitié. Cette tyrannie sportive est sans doute née en 2007, à l’occasion du Championnat du monde en Allemagne, où les Français furent éliminés en demi-finale par le pays organisateur à la suite d’une décision arbitrale défavorable. Claude Onesta, l’entraîneur-sélectionneur, indique que ce revers a servi de ferment à une remise en cause : « La seule façon de ne pas être battus par les arbitres ou les autres, c’était d’être forts au point qu’ils ne puissent plus nous battre. » Nikola Karabatic souligne à l’époque certaines insuffisances ; Sylvain Nouet, alors entraîneur adjoint, décortique des centaines de matchs à la vidéo, ce qui permet de relever de petites imperfections relevant du détail, le tout dans un but d’excellence auquel les joueurs adhèrent. Dès lors, vaincre devient presque sans péril. Le titre olympique de 2008 se conquiert en force ; en 2009, une stratégie osée en finale mondiale à Zagreb – ne pas devancer trop vite au score la Croatie pour laisser les joueurs croates s’enflammer devant leur public – permet le triomphe ; en 2012, malgré la baisse de régime de certains cadres, un second succès olympique est acquis aux dépens de l’ambitieuse Suède ; en 2014, le Danemark est broyé chez lui en finale européenne… Claude Onesta délègue, s’appuie sur un système comanagérial, sur des leaders techniques – Didier Dinart (qui deviendra en 2013 son adjoint pour la défense, Nikola Karabatic pour l’attaque –, qui définissent la stratégie ; il désigne en 2009 comme capitaine Jérôme Fernandez plutôt qu’une star de l’équipe, afin de ne pas froisser les ego… Le groupe se renouvelle par petites touches successives afin de perdurer. Quand un ancien s’efface, un nouveau le remplace sans secousses : Cédric Sorhaindo (intégré en 2009), Valentin Porte (2013), Luka Karabatic (2014) deviendront au fil du temps les nouveaux piliers tricolores.

Grâce à ces générations exceptionnelles, le handball connaît une audience croissante en France, avec de réelles retombées économiques : ainsi, plus de neuf millions de téléspectateurs ont suivi la finale du Championnat du monde sur T.F.1, ce qui a permis à la chaîne de fixer les trente secondes de publicité à 62 000 euros, soit le triple du tarif habituel de cette case horaire occupée par une série américaine.

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Écrit par

  • : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs

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Médias

Julius Yego - crédits : Wang Lili/ xh/ Xinhua Press/ Corbis

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Dafne Schippers - crédits : Franck Robichon/ EPA

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Christopher Froome - crédits : Kim Ludbrook/ EPA

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