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SPORT L'année 2015

Rugby : l’histoire, le jeu, l’intelligence

Dan Carter - crédits : Ben Radford/ Corbis/ Corbis Sport/ Getty Images

Dan Carter

Le 31 octobre 2015 à Twickenham, la finale opposant la Nouvelle-Zélande à l’Australie a conclu en apothéose une magnifique Coupe du monde : pour une fois, l’enjeu n’a pas tué le jeu, et cette finale restera comme la plus belle de l’histoire. Les All Blacks tout comme les Wallabies sont restés fidèles à leurs principes, alliant ambition créatrice et pragmatisme. Durant 50 minutes, les Néo-Zélandais dominèrent les débats, jusqu’à mener 21 points à 3 ; puis les Australiens, braves et talentueux, parvinrent à inscrire deux essais en 10 minutes (17-21, 64e minute) ; enfin, Dan Carter, par un drop improbable, a remis les All Blacks sur la route d’un triomphe annoncé, mais contesté. Les  quatre-vingt mille spectateurs, séduits, chantèrent même par moment le Swing Long, Sweet Chariot, l’hymne du XV de la Rose, éliminé de la compétition depuis longtemps. À l’issue de ce succès (34-17), la Nouvelle-Zélande devenait la première nation à remporter trois fois la coupe William-Webb-Ellis, et – autre première – réussissait à conserver son titre. Les All Blacks, qui dominent le monde de l’« Ovalie » depuis plus d’un siècle, continuent donc de marquer l’histoire.

Au-delà du triomphe des All Blacks, cette VIIIe Coupe du monde constitue peut-être un tournant pour le rugby, qui pourrait prendre un virage salutaire, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, cette Coupe du monde fut celle du jeu et du spectacle. Ensuite, les succès se sont construits sur l’intelligence. Puis, les demi-finales ont vu s’affronter les quatre nations de l’hémisphère Sud, laissant le Nord de côté. Et les « petits » pays semblent en progrès, même si le chemin qu’ils doivent encore parcourir semble long. Enfin, l’Angleterre et la France ont connu la déroute : pourtant, aussi bien le Championnat d’Angleterre que le Top 14 français génèrent les flux financiers les plus importants.

Cette compétition fut donc celle du jeu retrouvé. Dans toutes les éditions précédentes, la volonté d’attaquer, de marquer des essais s’étiolait dès les phases finales, l’enjeu semblant tétaniser les plus brillants manieurs de ballon. Même les All Blacks, en 2011, finirent par proposer un rugby sans envergure, qui leur semblait le plus approprié pour conquérir le titre – la finale remportée contre la France 8 points à 7 constituant le point d’orgue de cette frilosité. Ainsi, le nombre moyen d’essais inscrits à partir des quarts de finale, en baisse depuis 1999 pour se situer à 2,3 essais par match en 2011, a fait un bond spectaculaire en 2015 : 5,3 essais par match durant la phase finale. Ce retour du jeu « généreux » est une bonne nouvelle, d’autant qu’il a conduit à la victoire : la Nouvelle-Zélande et l’Australie furent les deux équipes les plus prolifiques durant la compétition (6 essais en moyenne par match pour les All Blacks ; 4,3 pour les Wallabies). En outre, dans ce rugby professionnel, le spectacle ne se limite pas au match lui-même : les Néo-Zélandais font fructifier la « marque All Blacks » (ainsi, le Haka ne relève plus du folklore, mais il est maîtrisé à la manière d’un show).

Nouvelle-Zélande et Australie ont aussi fait preuve d’une grande intelligence, sur le terrain comme en dehors. Ainsi, sur le terrain, en demi-finale face à l’Afrique du Sud, les All Blacks, longtemps menés au score sous une pluie drue, sont parvenus à modifier leur stratégie, à s’appuyer plus sur le jeu au pied millimétré de Dan Carter ou de Ben Smith que sur une multiplication de passes, et les Springboks, engoncés dans leur jeu traditionnel fondé sur la puissance, ont chuté (20-18), alors que toutes les conditions d’un possible exploit sud-africain étaient réunies. De leur côté, toujours en demi-finale, les Wallabies ont su profiter des approximations des Pumas argentins (menés 14-3 après[...]

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Écrit par

  • : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs

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Médias

Julius Yego - crédits : Wang Lili/ xh/ Xinhua Press/ Corbis

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Dafne Schippers - crédits : Franck Robichon/ EPA

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Christopher Froome - crédits : Kim Ludbrook/ EPA

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