SPORT L'année 2011

Handball : faire fructifier les exploits des « Experts »

Le 30 janvier 2011, à Malmö, dans une enceinte rouge de supporters danois, l'équipe de France masculine de handball a remporté, face à une brillante équipe du Danemark, la finale du Championnat du monde à l'issue d'un match empreint d'une dramaturgie inhabituelle : égalisation scandinave à 5 secondes de la fin du temps réglementaire alors que les Français, conduits par un Nikola Karabatic au sommet de son art, avaient fait la course en tête depuis le début de la rencontre ; deux arrêts décisifs de Thierry Omeyer en prolongation ; un penalty transformé sans trembler par le capitaine Jérôme Fernandez ; un ultime but de Michaël Guigou ; victoire française dans la douleur (37-35). En gagnant cette rencontre, les « Experts » se sont inscrits encore un peu plus dans l'histoire du sport français et du handball mondial, comme l'indiquent les chiffres. Ils ont remporté leur quatrième compétition majeure consécutivement (jeux Olympiques 2008, Championnat du monde 2009, Championnat d'Europe 2010, Championnat du monde 2011) – un exploit bien sûr inédit. Ils ont offert à la France son quatrième titre mondial, égalant le record détenu par la Roumanie et la Suède, deux pays qui avaient obtenu leurs titres dans des contextes très différents (la Roumanie dans les années 1960 et 1970, à une époque où la concurrence était beaucoup moins forte ; les victoires de la Suède s'étalent sur un demi-siècle, alors que la France a construit son palmarès en moins de vingt ans). Plus impressionnant peut-être : depuis 1993, année où elle a obtenu sa première médaille mondiale (en argent), l'équipe de France a participé neuf fois aux demi-finales en dix éditions du Championnat du monde. Enfin, depuis 1995, lorsque l'équipe de France s'est hissée en finale d'une compétition majeure, c'est-à-dire sept fois, elle s'est toujours imposée – cette constance est peut-être la clé de la victoire face au Danemark, alors que les coéquipiers de Mikkel Hansen semblaient avoir le vent en poupe au début de la prolongation. Et la domination française pourrait se poursuivre longtemps. En effet, deux joueurs majeurs, Guillaume Gilles et Daniel Narcisse, blessés, avaient dû déclarer forfait, ce qui n'a pas nui au rendement de l'équipe, car de jeunes éléments (Xavier Barachet et William Accambray notamment) ont parfaitement pallié leur absence. Quant à Nikola Karabatic, il a été élu « champion des champions » français pour l'année 2011 par le quotidien L'Équipe.

Par ailleurs, la popularité des handballeurs français se trouve à son zénith – l'engouement pour les « Experts » s'accroît au rythme des triomphes successifs. Les audiences télévisées en attestent : 7,3 millions de téléspectateurs ont suivi la finale, sur France 2 (5,5 millions, soit 29,3 p. 100 de parts d'audience) et Canal Plus (1,8 million d'abonnés, soit plus du tiers des clients de la chaîne cryptée, avec une pointe à 2,5 millions en fin de rencontre), alors que « seulement » 5,3 millions de téléspectateurs avaient regardé la finale face à la Croatie en 2009. Reste à faire fructifier cette réussite pour ancrer le handball dans le paysage sportif français. La cote d'amour du public pour les handballeurs, depuis l'époque des « Barjots » (1992-1996), ne s'est jamais démentie, provoquant une forte augmentation du nombre des licenciés, qui a doublé depuis 1996, passant de 210 000 à 420 000 ; la Fédération française doit désormais résoudre l'équation de l'étroitesse de ses structures (les 2 500 clubs ne suffisent plus pour accueillir tous les passionnés en herbe). Un autre chantier doit être ré-ouvert, celui des relations avec les télévisions. En effet, si Canal Plus a largement couvert l'événement par l'intermédiaire de sa chaîne thématique Canal Plus Sport, les abonnés « premium » ont dû attendre la demi-finale pour suivre l'épreuve, et seule la finale (achetée pour 350 000 euros par France 2) a été diffusée en clair, alors que nombre de téléspectateurs semblent prêts à se passionner pour l'intégralité de la compétition. Quant au Championnat du monde féminin, en décembre, qui a pourtant vu l'équipe de France arriver en finale, il n'a été diffusé que par Sport Plus, le « troisième choix » du groupe Canal Plus, seule la finale ayant les honneur de France 3 (3,4 millions de téléspectateurs).

Surtout, le Championnat de France n'intéresse guère les télévisions et ne rapporte pas grand-chose à la ligue nationale : les droits annuels, payés jusque-là par Eurosport et Orange Sport, qui se montaient à 2 millions d'euros, ont chuté à 1,2 million d'euros, réglés désormais par Canal Plus ; rappelons que, pour le football, les droits de retransmission du Championnat de France se montent à 668 millions d'euros ! Pour certains, la médiatisation passe peut-être par la création d'une compétition annuelle ressemblant au Tournoi des six nations du rugby. Toutes les pistes doivent être explorées pour permettre au handball français de surfer sur la vague médiatique et de profiter du rayonnement des « Experts ». D'autant que la France organisera le Championnat du monde en 2017, ce qui nécessitera la construction d'enceintes couvertes de grandes dimensions indispensables au développement du handball, mais aussi du basket-ball et du volley-ball.