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SPORT L'année 2011

Rugby : les All Blacks étaient en mission...

Le lendemain de la victoire des All Blacks sur le XV de France en finale de la Coupe du monde de rugby (8-7), un demi-million de Néo-Zélandais convergèrent vers le centre-ville d'Auckland pour célébrer Richie McCaw et ses coéquipiers, promenés dans des pick-up pour une parade plus folklorique que grandiose : cet engouement reflète l'importance du second titre mondial de la Nouvelle-Zélande au pays du Long Nuage blanc, lequel mettait fin à près d'un quart de siècle de disette. Jamais sans doute une équipe de rugby – sauf peut-être les Springboks en 1995, qui devaient souder la nation arc-en-ciel naissante de Nelson Mandela – n'avait suscité une telle attente. Ces All Blacks, qui ne présentaient pourtant pas la meilleure formation de leur histoire, loin de là, semblaient en mission, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, ce pays où le rugby est le sport-roi, meurtri dans sa chair par le tremblement de terre de Christchurch du 22 février 2011, souillé par une marée noire en octobre, frappé durement par la crise économique, trouvait l'occasion de « communier » grâce à cette Coupe du monde organisée sur son sol. Ensuite, depuis toujours, les All Blacks dominent le rugby mondial ; or, depuis la première Coupe du monde, déjà organisée sur son sol en 1987, la Nouvelle-Zélande n'était plus parvenue à remporter le trophée William-Webb-Ellis : il s'agissait donc de réparer une « erreur » de l'histoire du rugby. Enfin, une victoire néo-zélandaise paraissait cruciale pour l'économie du rugby international : à l'heure où le rugby du Nord, en France notamment, s'appuie sur une solide assise financière, celui du Sud connaît des difficultés, voire une crise ; dans ces conditions, seule la « marque All Blacks » semble pouvoir encore générer des recettes substantielles (tournées, maillots, produits dérivés, etc.), mais cette « marque » n'aurait sans doute pas pu conserver sa vitalité si les hommes à la fougère avaient une nouvelle fois échoué dans la conquête du titre. Les All Blacks ont donc mené à bien leur « mission », leur victoire réjouit le monde entier ou presque, mais ce succès ne doit pas masquer les problèmes apparus au grand jour lors du déroulement de cette compétition – pas plus que la place de finaliste du XV de France ne doit occulter les soucis du rugby français.

À l'issue de la finale, Martin Snedden, directeur de la Coupe du monde, déclarait fièrement : « Nous avons prouvé au monde que notre petit pays était capable de relever ce genre de défi. » Il soulignait que 88 p. 100 des billets avaient été vendus, que les recettes au guichet se montaient à 175 millions d'euros, que quatre-vingt-quinze mille visiteurs étrangers avaient assisté aux matchs. Mais il omettait de dire que l'organisation de l'événement laissait un déficit de 22,5 millions d'euros, lié essentiellement aux travaux de rénovation des stades. Martin Snedden indiquait que la Coupe du monde reviendrait en Nouvelle-Zélande, fixant même la date : 2031 ! Pourtant, rien n'est moins sûr. En effet, le rugby à XV doit se « mondialiser » rapidement : avec l'inscription du rugby à VII au programme olympique à partir des Jeux de Rio de Janeiro en 2016, il est probable que de nombreux « petits » pays privilégieront cette forme de rugby, surtout si on ne leur donne pas les moyens d'« exister » à l'occasion de la Coupe du monde. Or ceux-ci furent très pénalisés par l'ordonnancement des matchs : en raison du décalage horaire, les « grandes » nations jouèrent toutes leurs rencontres le week-end, pour pouvoir mobiliser les téléspectateurs en Europe dans la matinée, ce qui permit aux joueurs de disposer de plages de récupération de six ou sept jours ; à l'inverse, les « petits » pays disputèrent plusieurs de leurs matchs en semaine, ce qui réduisit parfois la période de récupération[...]

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Écrit par

  • : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs

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