STABILITÉ STRUCTURELLE ET MORPHOGENÈSE (R. Thom)
En 1972, le mathématicien René Thom (1923-2002, médaille Fields 1958) publie Stabilité structurelle et morphogénèse, sous-titré « Essai d'une théorie générale des modèles ». Cet ouvrage s'adresse « aux spécialistes de disciplines jusqu'à présent rebelles à toute mathématisation, comme la biologie et les sciences humaines ». Il propose une classification très générale des changements de forme, qu'il appelle « catastrophes ». Dans un ensemble d'observables représentant les états locaux d'un système, Thom définit un sous-ensemble fermé K, l'ensemble de catastrophes, défini par le fait que le type phénoménologique local du système ne change pas tant que le point représentatif du système ne rencontre pas K. Lorsqu'il le rencontre, il y a une discontinuité dans l'apparence du système, qu'on interprète comme une morphogenèse. Appliquant les méthodes de la topologie différentielle, Thom distingue les modèles mathématiques adaptés aux processus réguliers de ceux qui permettent de décrire la morphogenèse et analyse le phénomène de bifurcation qui « engendre la catastrophe ». Profondément original, cet essai marque la naissance d'une théorie des catastrophes qui connaîtra de nombreux développements en mathématiques et dans d’autres sciences, en particulier en physique dans la théorie du chaos. L’importance donnée au qualitatif dans les travaux de Thom l’amène à proposer l’application de la théorie des catastrophes à la morphogenèse animale et végétale, revitalisant les travaux du zoologiste D’Arcy-Thompson.
Rapidement, le pouvoir analogique et poétique de l’intitulé et des noms donnés aux sept catastrophes élémentaires dont toute forme devait dériver (plier, rebroussement, machaon, papillon, ombilic hyperbolique, ombilic elliptique et ombilic parabolique) a échappé à leur auteur et inspiré des artistes comme Salvador Dalí et Jean-Luc Godard. Certains auteurs se sont autorisés une extension, souvent hasardeuse, vers des domaines comme les sciences sociales et la linguistique.
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
Classification
Média