STALINE JOSEPH VISSARIONOVITCH DJOUGACHVILI dit (1879-1953)
Le « meilleur disciple de Lénine »
Dans les luttes de succession qui s'ouvrent dès la disparition de Lénine (21 janvier 1924), Staline montre infiniment plus de volonté et de sens tactique que ses adversaires. Il joue à la perfection les uns contre les autres, s'alliant d'abord avec Zinoviev et Kamenev pour éliminer du jeu politique son adversaire le plus dangereux, Trotski. Une fois ce dernier affaibli, il renverse ses alliances et se rapproche de Boukharine, Tomski et Rykov pour écarter Zinoviev et Kamenev de la direction. Désormais assez puissant, il se retourne contre ses alliés de la veille : Boukharine est exclu du Politburo en novembre 1929, Tomski en juillet 1930, Rykov en décembre 1930.
Au-delà de ces manœuvres politiques brillamment conduites, la force de Staline est d'être parvenu à capter l'héritage léniniste en se posant comme l'exégète autorisé de sa pensée. Dès avril 1924, Staline donne une série de conférences, éditées dans un ouvrage intitulé Les Bases du léninisme. Du léninisme, Staline retient quelques idées simples, en priorité la nécessité de la discipline et de l'unité du parti, avant-garde, élite, leader des masses. Diffusé à des centaines de milliers d'exemplaires, l'ouvrage accrédite, auprès de la nouvelle génération de militants recrutés en masse après la mort de Lénine, l'idée que Staline est bien le « meilleur disciple de Lénine », comme il se qualifie lui-même.
À partir de la fin de 1924, tirant les conclusions de l'échec, un an auparavant, de la tentative d'insurrection communiste en Allemagne (à Hambourg), Staline développe la théorie de la « construction du socialisme dans un seul pays ». Ce choix stratégique fondamental implique de reprendre la marche en avant de la révolution socialiste en Union soviétique, interrompue au début de 1921 lorsque Lénine, face aux révoltes ouvrières et aux insurrections paysannes, dut faire marche arrière et promulguer la Nouvelle Politique économique (N.E.P.). L'idée de la « construction du socialisme dans un seul pays », outre qu'elle donne une nouvelle espérance et un objectif concret à tous ceux qui doutent de la révolution mondiale, a l'immense avantage de mobiliser la fibre nationale, voire nationaliste – un ressort essentiel auquel Staline aura, par la suite, largement recours.
Mais, dans la seconde moitié des années 1920, dans la lutte que se livrent les « héritiers de Lénine », la plus grande force de la position stalinienne réside sans doute dans son identification réussie avec la « ligne générale » du parti, dans sa grande simplicité, son extrême schématisme, qui la rend accessible à une grande majorité de militants peu éduqués et peu formés politiquement. Staline parvient à réduire le débat politique à la lutte entre une « ligne générale » incarnée, au centre, par lui-même, et des « déviations », de « gauche » (incarnée par Trotski, qui sera banni en 1929) ou de « droite » (Boukharine, Tomski, Rykov) menaçant l'unité du parti. Un Parti profondément renouvelé, dans les années 1920 et 1930, par l'afflux massif d'éléments populaires, qui se reconnaissent dans une large mesure en Staline, originaire, comme eux, du petit peuple – à la différence de la plupart des chefs historiques du bolchevisme, lettrés marxistes issus de la petite noblesse, de la bourgeoisie russe ou de l'intelligentsia déclassée d'origine juive.
La victoire politique de Staline s'explique aussi – et peut-être avant tout – par sa capacité à contrôler, avec un groupe soudé de fidèles (Viatcheslav Molotov, Sergo Ordjonikidze, Lazar Kaganovitch, Valerian Kouibychev, Serguei Kirov, Anastase Mikoyan, Andreï Andreiev, Pavel Postychev), les appareils du parti, à partir de postes stratégiques tels que le secrétariat du comité central et l'Orgraspred,[...]
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Écrit par
- Nicolas WERTH : directeur de recherche au CNRS
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