STALINE JOSEPH VISSARIONOVITCH DJOUGACHVILI dit (1879-1953)
Le vainqueur de Stalingrad, l'homme fort de Yalta
La mémoire de ce crime de masse, gardé secret, fut totalement éclipsée – à l'intérieur comme à l'extérieur du pays – par le rôle majeur joué par l'Union soviétique dans l'écrasement du nazisme. La victoire de Stalingrad (2 février 1943) effaça à la fois la « Grande Terreur », mais aussi le pacte germano-soviétique du 23 août 1939, qui avait permis aux deux dictateurs, Hitler et Staline, de se partager une partie de l'Europe orientale, et à l'U.R.S.S. de retrouver grosso modo les frontières occidentales de l'Empire russe.
À partir de la fin des années 1930, Staline encourage et instrumentalise le nationalisme grand-russe, en habillant de l'expression « patriotisme soviétique » un chauvinisme ethnique russe – une politique pour le moins inattendue de la part d'un homme issu d'une minorité nationale, mais qui lui permet de s'assurer l'appui du peuple le plus important de l'Union, afin de combattre les ferments de désagrégation que représentent les nationalités du nouvel empire soviétique en expansion. S'il permet – temporairement – à Staline d'annexer des territoires peuplés de vingt-trois millions d'habitants, le pacte germano-soviétique ne sauve pas l'U.R.S.S. de l'agression nazie, qui intervient le 21 juin 1941. Le dictateur porte une responsabilité écrasante dans les désastres militaires soviétiques de 1941-1942. Cette responsabilité se situe à trois niveaux : une erreur globale d'appréciation de la menace nazie ; une politique d'équipement de l'armée trop tardive et incomplète, malgré d'indéniables progrès réalisés au cours des années 1930 ; une profonde désorganisation du commandement de l'Armée rouge à la suite des purges de 1937-1938. Ces erreurs coûtèrent à la société soviétique des millions de morts. En réalité, les Soviétiques gagnèrent la guerre non pas grâce à Staline, mais plutôt en dépit des erreurs stratégiques et tactiques qu'il commit, et au prix de pertes incomparables (26 millions de morts) dues à la barbarie nazie, mais aussi au peu de valeur qu'accordait le régime stalinien à la vie humaine.
Exacerbé par les atrocités nazies, le sentiment patriotique renforça le consensus social, qui fut l'arme principale de la survie de l'U.R.S.S. Très habilement, grâce à son remarquable sens politique, Staline parvint à identifier sa personne à la cause sacrée, celle de la patrie. Les soldats vont au combat en chantant : « V boï za rodinu, v boï za Stalina ! » (Combattons pour la patrie ! Combattons pour Staline ! »). Le culte de Staline, identifié à la patrie souffrante, combattante et enfin victorieuse, se propage, par l'intermédiaire des combattants, jusque dans les campagnes où la haine du système kolkhozien était restée très vive. La guerre et la victoire modifient profondément la relation entre Staline et la société soviétique, mais aussi l'image de Staline sur la scène internationale. La conférence de Yalta (4-11 février 1945) marque l'apogée du rôle international du dictateur soviétique. Jouant habilement des divergences entre Britanniques et Américains, et de la confiance que lui accorde Roosevelt, Staline pousse son avantage et obtient satisfaction sur des points fondamentaux, qui entérinent la place prééminente de l'U.R.S.S. alliée des démocraties : trois sièges (Russie, Ukraine, Biélorussie) à la conférence constitutive de l'O.N.U. ; la confirmation des frontières occidentales et orientales de la Pologne selon les vœux de Moscou ; la légitimation du Comité de Lublin (prosoviétique) comme « noyau du futur gouvernement polonais » ; la satisfaction des demandes de réparations formulées par les Soviétiques vis-à-vis de l'Allemagne.[...]
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Écrit par
- Nicolas WERTH : directeur de recherche au CNRS
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