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STANISLAVSKI (1863-1938)

Une méthode originale

Penseur et philosophe, Stanislavski écrivit une Éthique du théâtre, qui fixe les normes de conduite du comédien. Il élabora enfin les principes généraux d'un système d'enseignement et de pratique théâtrale qui devait révolutionner l'art dramatique de notre époque. Cette « méthode », que Stanislavski ne cessa jusqu'à sa mort à Moscou de réviser et de transformer, mit au service de l'acteur, avant même qu'elles fussent généralisées dans le public, des notions telles que l'introspection, les forces subconscientes, l'intuition. Connu sous le nom de « méthode psychotechnique », le système que Stanislavski enseigna jusqu'à l'année 1936 se fonde sur la prise de conscience intérieure, par l'acteur, de son personnage, à partir d'une recherche psychologique approfondie. Ensuite, imprégné par ce personnage qu'il assimile à un être vivant, informé par surcroît de tous les antécédents de son évolution et de son action dans la pièce, le comédien est amené à interpréter sa vie et ses sentiments en les rapportant à sa propre personne. Il vit alors en quelque sorte son rôle sur la scène, comme s'il n'avait plus d'existence propre, état que Stanislavski appelle « la solitude en public », et que les Américains connaissent sous le nom de private moment.

À la lumière du progrès des sciences humaines, et frappé par la nouveauté des idées surgies de la Révolution russe, Stanislavski introduisit dans sa méthode un changement radical. Sans renier d'ailleurs explicitement ses enseignements antérieurs, il jeta les bases d'un nouveau système qui attribue aux actions physiques les plus simples, imposées par le rôle au personnage, la force d'impulsion qu'il avait jusque-là réservée, dans son système psychotechnique, au mécanisme intérieur des fonctions psychologiques. Le comédien use donc de l'action physique pour provoquer dans sa conscience la reconstitution d'exigences intérieures qui aussitôt se traduiront en action extérieure, obtenant ainsi une connaissance directe et immédiate du personnage, qu'il interprétera dès lors sans problème ni conflit avec sa propre personnalité.

Cette méthode, dite « des actions physiques », trouva écho dans les théories du jeu dramatique de Louis Jouvet et dans celles de Brecht qui voyait dans le personnage moins un héros de roman qu'un « témoin » et un « critique » de son temps. L'avenir en vérifiera la valeur expérimentale.

Connues tardivement en France, les théories de Stanislavski y furent dès l'abord accueillies favorablement, comme un prolongement des idées réformatrices d'Antoine et de Jacques Copeau ; mais elles y furent considérées moins comme un système d'interprétation que comme la manifestation du besoin d'expansion, dans l'art théâtral, d'une grande vérité humaine. Cette vérité essentielle, qui déjà inspirait la scène française depuis Constant Coquelin, reçut en Europe, après 1900, les apports indépendants (et souvent divergents) de Max Reinhardt, Firmin Gémier, Erwin Piscator, et, dès les années 1930, ceux de Bertolt Brecht, Louis Jouvet, Charles Dullin et Georges Pitoëff. À la lumière de ces apports, les idées de Stanislavski furent controversées en Europe, où elles sont cependant acceptées par certaines grandes écoles, notamment celles de Old Vic en Angleterre et de la Comédie de l'Est (devenue Théâtre national de Strasbourg) en France, inspirées l'une et l'autre par leur fondateur commun, Michel Saint-Denis. Mais elles constituent partout la base d'études et d'échanges de points de vue vitaux pour l'évolution de l'art dramatique.

— Emilio DUFOUR

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Écrit par

  • : secrétaire général du Centre chilien de l'Institut international du théâtre

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