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WITKIEWICZ STANISŁAW IGNACY, dit WITKACY (1885-1939)

Auteur dramatique, romancier, essayiste, théoricien de l'art et peintre polonais, Stanisław Ignacy Witkiewicz naît à Varsovie dans une famille de la petite noblesse terrienne originaire de Lituanie. Fils unique du peintre et critique d'art Stanisław Witkiewicz, il reçoit une éducation peu commune qui, le plaçant dès son plus jeune âge en marge (à côté et au-dessus des autres), en fera un individualiste irréductible.

Il se dirige d'abord vers la peinture et suit les cours de l'Académie des beaux-arts de Cracovie. En 1910, une liaison tumultueuse avec une actrice célèbre lui inspire son premier roman : Les 622 Chutes de Bungo ou la Femme démoniaque. Après la guerre de 1914-1918, qu'il fait à Saint-Pétersbourg, dans la garde impériale (originaire de Varsovie, il était alors sujet du tsar), commence pour lui, de 1918 à 1926, une période de fécondité exceptionnelle. Dandy déjà célèbre par ses excentricités, il peint beaucoup et écrit énormément, surtout pour le théâtre. En huit ans, il produit une trentaine de pièces (dont dix-neuf seulement nous sont parvenues) sans compter des écrits théoriques (Théâtre, Introduction à la théorie de la forme pure au théâtre, etc., 1923) et de nombreux articles de journaux, le plus souvent violemment polémiques.

Ses pièces, écrites très vite (il ne se relit jamais) et de valeur très inégale, illustrent toutes ses théories esthétiques sur la « forme pure » au théâtre. Il donne, entre autres, Les Pragmatistes (1919), Eux (1920), L'Indépendance des triangles (1921), La Métaphysique du veau à deux têtes (1921), La Poule d'eau (1921), L'Œuvre sans nom (1921), Le Fou et la Nonne (1923), La Mère (1924) et enfin, en 1925, La Sonate de Belzébuth. Onze seulement de ses trente pièces seront jouées, la plupart du temps pour une ou deux représentations, dans des théâtres expérimentaux.

Après 1926, son activité se ralentit beaucoup. Sujet à des crises de dépression de plus en plus profondes, il s'enferme en des méditations métaphysiques. Il fera paraître encore deux romans : L'Adieu à l'automne (1927) et Inassouvissement (1930) ; en 1931, il en commencera un troisième, La Seule Issue, qu'il laissera inachevé. Enfin, en 1934, il écrit sa dernière comédie, Les Cordonniers, dont le ton tranche assez nettement sur sa production antérieure.

Le 18 septembre 1939, Witkiewicz, qui fuyait à pied l'envahisseur nazi, constatant l'effondrement des valeurs de culture et de civilisation qu'il a toujours défendues, se suicide à l'orée d'un petit bois de Polésie.

Le théâtre de Witkiewicz est actuellement très prisé en Pologne. On voit en lui un précurseur non seulement de Gombrowicz et de Mrozec, mais aussi de notre théâtre dit de « l'absurde ». Pourtant, les préoccupations de Witkiewicz étaient assez éloignées de celles d'un Ionesco ou d'un Beckett. Son théâtre est avant tout une tentative — un peu désespérée — de transposition à la scène des révolutions picturales de la fin du xixe siècle. Il voulait des éléments scéniques (situations, décors, personnages, dialogues) non contingents, enfin dépouillés de tout assujettissement au réel. Cette recherche exaspérée d'une théâtralité pure, il ne réussira pas à l'affranchir d'une surabondance de littérature, peut-être parce que, arrivé trop tôt, il n'a pas disposé de la scène qui lui aurait permis d'expérimenter réellement ses théories. Son théâtre, qui reste joyeusement destructeur, est fondé essentiellement sur une arme à double tranchant : la parodie. Aussi ne réussit-il que rarement à produire le « rêve étrange » qu'il réclamait, qu'il avait sans doute entrevu et que d'autres, plus tard, approcheront par des voies plus sûres.

— Daniel ZERKI

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