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CAVELL STANLEY (1926-2018)

Né 1er septembre 1926 à Atlanta (Georgie), Stanley Cavell, après avoir étudié et enseigné à Harvard et à Berkeley, est devenu professeur à Harvard University, où s'est déroulée toute sa carrière. Il représente, par sa revendication d'une voix philosophique de l'Amérique, un courant tout à fait original de la pensée américaine contemporaine. On a tendance, depuis que le positivisme logique viennois s'est installé aux États-Unis, à la suite de l'immigration de ses figures centrales dans les années 1930-1940, à identifier philosophie américaine et philosophie analytique. Cavell, lui, veut faire reconnaître d'autres héritages, afin d'opérer ce qu'il définit comme un retour à l'ordinaire. Bien plus tard, il reviendra sur son expérience, et ses liens avec la philosophie, dans Pitch of Philosophy (1994, Un ton pour la philosophie, trad. franç. 2003).

La philosophie de Cavell n'est cependant pas étrangère à la philosophie analytique. Elle est enracinée dans une œuvre fondamentale et problématique pour cette tradition, celle du « second » Wittgenstein, et dans sa philosophie du langage ordinaire. Cavell a été également le disciple de John Langshaw Austin, et considère que celui-ci est méconnu en tant que philosophe. Les deux ouvrages fondamentaux de Cavell, Must weMeanWhatwe Say ? (1969 ; Dire et vouloir dire. Livre d’essais, trad. franç. 2009) et The Claim of Reason (1979, Les Voix de la Raison, trad. franç. 1996) sont consacrés à Austin et Wittgenstein. Ils ont fait entendre, au moment de leur parution, une voix nouvelle, ni analytique ni réellement critique de la tradition analytique, réclamant avant tout une attention au langage tel que nous le parlons et le signifions ordinairement. Cavell traite de textes, et non de problèmes ou d'arguments. Par exemple, Les Voix de la Raison explorent Wittgenstein et Shakespeare, The Senses of Walden(1972 ; Sens de Walden, trad. franç. 2007) Thoreau, The New YetUnapprochableAmerica (1989 ; Une nouvelle Amérique encore inapprochable, trad. franç. 1991) Emerson.

Le travail de Cavell n'a pourtant rien d'une exégèse. Il construit, à partir de Wittgenstein, une œuvre cohérente, dont le fil conducteur est le scepticisme. Wittgenstein est couramment interprété soit comme ayant produit des arguments sceptiques, soit comme ayant réfuté le scepticisme. Cavell explique que ces deux directions sont erronées : Wittgenstein a montré qu'en un sens le scepticisme, dès lors qu'on cherche à le réfuter comme argument, est irréfutable parce qu'il fait partie de notre existence même. Le scepticisme philosophique n'est qu'un masque ou une représentation d'un scepticisme plus fondamental, celui qui porte sur l'existence d'autrui, et masque une incapacité ou un refus de reconnaître l'autre, qui est aussi bien une incapacité à entrer en relation avec le monde. Cavell propose ainsi une lecture nouvelle de Wittgenstein, mais aussi de la tradition sceptique moderne de Montaigne à Descartes en passant par Shakespeare, comme dévoilant la vérité du scepticisme. Le scepticisme, rupture du contact avec le langage commun, ne saurait être surmonté par une nouvelle connaissance, mais bien par la reconnaissance (acknowledgement), soit l'acceptation de la finitude et de la répétition, l'ordinaire ou le quotidien (In Quest of the Ordinary, 1998).

Stanley Cavell - crédits : ENS de Lyon/ Vincent Brault

Stanley Cavell

Un thème central de Cavell est que la philosophie a toujours posé l'ordinaire (le langage ordinaire, la vie ordinaire) comme son autre. Cet ordinaire, où est−il ? Cavell a deux réponses : le cinéma et le transcendantalisme, celui d'Emerson et de Thoreau. Il étudie ainsi un genre de la comédie hollywoodienne appelé par lui comédie du remariage, dans Pursuits of Happiness (1981 ; À la recherche du bonheur, trad. franç. 1993). La thèse de Cavell est que les comédies[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités, université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

Classification

Média

Stanley Cavell - crédits : ENS de Lyon/ Vincent Brault

Stanley Cavell

Autres références

  • LA PROJECTION DU MONDE (S. Cavell)

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