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STARS ET VEDETTES

Comment se fabrique une étoile

La vedette d'un film est l'interprète suffisamment connu(e) pour que le public dise en parlant de lui (ou d'elle) : « Un film de X... » Cette coutume, sur laquelle J. G. Auriol s'interrogeait déjà en 1946, fait moins du film « l'œuvre » de l'interprète que son domaine, sa propriété (et sa vitrine) : c'est lui, ou elle, qu'on va voir dans son film. Tous les films d'une star forment, aux yeux de son public fidèle, comme un seul film. Aussi le « type » de la star doit-il être suffisamment affirmé pour que le public la retrouve identique à soi, les variations ne pouvant excéder un certain « seuil ». Le court mais indéniable vedettariat de la jeune Danielle Darrieux entre 1935 et 1941 s'explique par cette fidélité. L'échec de Ninotchka, qui annonça la retraite de Garbo, est essentiellement imputable à sa publicité « à contre-courant » (et qui a dû être tenue pour géniale jusqu'au soir de la première...), publicité qui proclamait : « Garbo rit pour la première fois. » Cette confection, durable ou non, d'une image est non seulement aléatoire, mais elle-même d'essence mal analysable. Le type physique des stars féminines, parce qu'il s'adresse à l'inconscient érotique des hommes et « mimétique » des femmes, importe plus que leur emploi : la «  vamp » peut, par degrés, devenir bonne mère de famille (ou chef d'entreprise) pourvu que son allure générale demeure. À plus forte raison, la star masculine passera sans problème de l'emploi de « vilain » (sauf si elle est trop marquée par celui-ci) à celui de défenseur de la loi, le « détective privé » fournissant à Bogart, qui est un excellent exemple de cette évolution, l'intermédiaire idéal.

Mis à part les grands comiques et les vedettes venues d'autres domaines du spectacle (music-hall, opérette ou chanson), la fabrication d'une vedette, et à plus forte raison d'une star, n'est pas, comme on le croit, simple affaire de publicité. Des millions ont été dépensés pour lancer des inconnus ou des débutants qui « tinrent » deux années. Elle n'est pas non plus simple affaire de hasard, ni de ténacité ; encore que les carrières bien conduites témoignent de l'importance de cette dernière. Il faut que la vedette réponde à l'attente du public ; et cette attente, qui faisait parfois l'objet de sondages aux beaux jours de Hollywood, reste largement indéchiffrable. On se risquera à dire que le lancement d'une star répond à une nécessité esthétique obscurément ressentie.

Ce lancement s'est fréquemment accompagné d'un recours aux modèles antérieurs : Marilyn Monroe fut renvoyée (à tort, mais elle domina cette référence) à l'« archétype » de la blonde, Jean Harlow. Il est symbolique que celle qui aura sans doute été la dernière star, authentique, du cinéma américain, soit Elizabeth Taylor. Née dans le sérail, vedette-enfant à dix ans, relancée en jeune fiancée idéale, à la fois sensuelle et pure, passionnée et victime, dans un film lui-même « archétypal » (A Place in the Sun, alias An American Tragedy de George Stevens), mariée à un producteur « génial » puis à un monstre sacré, devenant elle-même monstre sacré (et excellente interprète), défrayant la chronique de l'ultime superproduction de type traditionnel (Cleopatra, 1963), par ses amours et ses caprices, elle a accumulé d'une décennie à l'autre, de manière ostentatoire, tous les traits des stars antérieures, y compris (preuve d'énergie) la « lutte » entre un visage et des yeux admirables et un corps moins conforme aux canons pseudo-classiques de Hollywood.

Elizabeth Taylor et Richard Burton - crédits : Stanley Sherman/ Hulton Archive/ Getty Images

Elizabeth Taylor et Richard Burton

Elizabeth Taylor - crédits : Keystone Features/ Moviepix/ Getty Images

Elizabeth Taylor

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