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STARS ET VEDETTES

Le rapport du public aux étoiles

Le parlant (1930) avait préparé une certaine démocratisation de l'image de la vedette ; la star suivra le mouvement peu après. La libéralisation des mœurs, malgré sa lenteur, contribue à cette familiarité croissante : « Après 1930, la star peut être mère, et bonne mère » (Edgar Morin). Ajoutons que, malgré les censures, aux types archaïques de la vamp fatale (ou en Italie, de la diva vénéneuse) et de la pure jeune fille succède vers 1935 la good-bad girl, expression intraduisible, cocktail instable et d'autant plus irradiant de sensualité et de générosité, d'élégance et de simplicité, auquel la commercialisation du maquillage des vedettes (autrefois secret professionnel), qui se produit à la même date, ajoute une nouvelle proximité.

Or, malgré cet effort croissant pour « faire descendre les étoiles sur terre », effort qui ne va pas sans résistances ni contre-courants, le public continue (au moins jusqu'au milieu des années 1960) à regarder les stars et même les vedettes d'une manière immuable. Il s'agit d'un culte qui se situe à mi-chemin entre le fétichisme religieux et le fétichisme érotique (et qui témoigne, en notre ère de « désacralisation », de l'intime connexion des deux). Les sociologues du cinéma peuvent étudier les variations du goût en matière d'idoles cinématographiques, et relier ces variations à celles de la société environnante. Ce qui ne varie guère, ce sont les formes du culte, pour autant qu'elles sont observables, c'est-à-dire publiques.

Le culte a ses lieux : clubs de « fans » (les premiers datent des années 1920), courrier des journaux spécialisés où se sont longtemps échangés appréciations et renseignements, et où la lettre de l'idole ranime périodiquement la ferveur. Le culte a ses objets symboliques, au sens le plus fort du terme : les « fans » demandent à la star une photo dédicacée, une boucle de cheveux, un sous-vêtement même. Ces symboles peuvent être des actes : Esther Williams vend ses baisers (sur la joue) lors d'une fête de charité ; deux jeunes filles « agressent » l'acteur Van Johnson et lui font signer leurs gaines. Que certaines de ces demandes ne soient pas suivies d'effets ne diminue point leur valeur de symptômes.

On demande aussi à l'idole des conseils : le cas le plus banal est celui des conseils de beauté féminine (qui peuvent viser, mais pas forcément, à l'imitation de la star). On lui adresse des cadeaux variés, du chandail amoureusement tricoté au livre d'art. Les plus hardis ou les plus fervents lui prodiguent des conseils et, quelquefois, des reproches : certaines stars ont vu (à l'ère des scandales hollywoodiens, entre 1925 et 1940) leur carrière compromise par l'afflux d'un courrier indigné.

L'étoile se distingue malgré tout de la divinité par un point sans remède : elle est vivante, donc faillible, et elle est mortelle. Aussi son décès est-il le couronnement de son culte : la mort de Rudolf Valentino (1926) donna lieu à des scènes d'hystérie qui ne furent surpassées que par celles des funérailles de Jean Harlow (1937). Nouvelles scènes d'hystérie à la mort de James Dean (1955) qui reçut encore cinq mille lettres par jour plusieurs années après son enterrement et fut invoqué par les spirites. Plus calme, le « culte » (le mot est d'eux) que les étudiants des campus contestataires vouèrent, dix ans après sa mort et une relative éclipse, à Bogart (1967) est un cas curieux de « résurrection ». Un phénomène analogue s'est produit plus durablement encore avec Marilyn Monroe, dernière figure en date de la « mythologie » hollywoodienne qui se survivra grâce à elle : elle fut « star » sans cesser d'être familière.

<it>Le Fils du cheik</it> - crédits : Hulton Archive/ MoviePix/ Getty Images

Le Fils du cheik

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Marilyn Monroe et Laurence Olivier

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Buster Keaton - crédits : Hulton-Deutsch/ Hulton-Deutsch Collection/ Corbis Historical/ Getty Images

Buster Keaton

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